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que la suppression de quelques détails trop intimes pour être livrés à la publicité.

Ce qui fait, à notre avis, le principal charme de ces lettres, c’est cette gaîté soutenue au milieu de privations de toute espèce, cette causerie sans prétention sur des choses que nous sommes accoutumés à voir traiter d’une manière plus ou moins solennelle par les voyageurs ordinaires. On dirait d’une correspondance entre deux amis séparés par quelques lieues de distance, et se communiquant dans les épanchemens de l’intimité les petits événemens de chaque jour. Nous espérons donc que les lecteurs de la Revue partageront l’intérêt que nous a fait éprouver la lecture de ces lettres, et les vifs regrets que nous inspire la perte d’un homme frappé au milieu de sa carrière, avant d’avoir pu ajouter son nom à la liste de ceux dont s’enorgueillit la France.

T. L.




Calcutta, 18 juillet 1821.


Je ne quitterai pas la première ville de l’Inde sans t’en dire au moins deux mots que j’extrais d’un livre sur le poivre et le coton que tu n’as sans doute jamais lu. Tu sauras donc que Calcutta, si célèbre dans les annales du commerce, était encore à la fin du dix-septième siècle un petit village hindou qui fut concédé à un chirurgien de Surate, nommé Bouthon, pour avoir guéri la fille d’un Grand-Mogol à Delhy, et la femme d’un soubab à Mourchédabad. On lui permit d’abord d’avoir trente hommes armés pour protéger son commerce, moyennant une redevance annuelle de trois mille roupies au Grand-Mogol, qui était, je crois, Aureng-Zeb, mais à la condition qu’il n’empiéterait jamais sur ses voisins, et surtout qu’il n’élèverait aucunes fortifications. M. Bouthon savait aussi bien faire le commerce que la chirurgie, et en peu d’années les huttes en terre furent remplacées par des maisons en bois. On brûla des forêts, on dessécha des marais qui rendaient l’air infect ; on fit des briques, et de ces briques des murs qui remplacèrent les