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vaient point encore songé à regagner les saintes retraites, où c’était enfin dans la prière et la pratique de pieuses dévotions, plus que dans le sommeil et dans le repos, qu’elles allaient chercher assez de forces nouvelles pour suffire au lendemain.

Dans les calamités de Milan, de Marseille, de Toulon, on vit éclater les mêmes dévoûmens, briller les mêmes vertus. Dans l’admirable roman déjà cité, la belle et noble figure de l’archevêque n’est-elle pas historique ? Le père Cristofore est-il autre chose, dans toute sa sublimité, que la personnification d’un clergé dont les sept huitièmes périrent au dire des historiens ? Quand à propos de la peste de Marseille, on a prononcé le nom de Belsunce, que pourrait-on ajouter, qui fît autre chose qu’affaiblir le sentiment d’admiration reconnaissante que ce nom a déjà éveillé dans tous les cœurs ? Moins célébré, l’évêque de Toulon n’en fut peut-être pas moins admirable, et ce qu’il faut dire aussi, c’est que le clergé tout entier de la Provence se montra digne de ces deux grands prélats. Dès le premier instant, on le vit se précipiter avec une ardeur sans égale dans tous les lieux envahis par la peste ; puis ensuite, lorsqu’elle fut parvenue au plus fort de ses ravages, elle ne put pourtant faire dans les rangs de ceux qui se trouvaient d’abord exposés à ses coups, de vides assez considérables, pour qu’ils ne fussent aussitôt comblés par l’ardeur de ceux accourus pour les remplir. Écoutons sur ce point l’historien de ces tristes événemens déjà cités. Après être entré dans les détails les plus multipliés, on peut dire les plus techniques, sur les soins que doivent prendre les magistrats d’une ville qui se trouve dans les tristes circonstances dont il nous a laissé l’histoire, après avoir consacré bien des pages à leur apprendre ce qu’ils auront à faire au sujet du pain, de la viande, des remèdes, des fossés à creuser, après leur avoir enseigné comment ils pourront se procurer à grand’peine des chirurgiens, des boulangers, des infirmiers ; M. d’Antrechaux ajoute, jette au bout de tout cela, lui, homme profondément religieux, comme tout son livre en fait foi : « Quant aux secours spirituels, quant aux confesseurs, il est inutile de s’en occuper, c’est ce qui manque le moins dans une ville affligée de la peste. » Quel panégyrique pourrait valoir cette naïveté sublime ? Ce n’est pas d’ailleurs, il s’en faut de beaucoup,