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voici donc au centre de l’histoire ; où serait-il plus curieux de contempler l’action réciproque des lois et des mœurs que chez un peuple qui a donné ses mœurs et ses lois à presque tous les peuples de la terre ?

Les ténèbres qui enveloppent les origines de Rome ne nous permettent de les entrevoir que confusément. C’est dans cette nuit, c’est sous ces voiles de son berceau que les deux principes de toute société, les lois et les mœurs, s’unissent, se confondent, se pénètrent, pour ainsi parler, plus étroitement et plus intimement que partout ailleurs. La fusion primitive des lois et des mœurs disparaît dans une antiquité que l’œil ne saurait atteindre. Ce qui en sort est quelque chose de compacte, d’homogène, où l’on ne peut distinguer l’un de l’autre les deux élémens agglomérés, tant ils sont mêlés et pétris ensemble. On ne voit point les mœurs se plier à la loi, ou la loi se conformer aux mœurs. Dès le commencement, la loi a l’autorité de la coutume, les mœurs font le droit, le droit fait les mœurs ; comment séparer à leur origine le mos et le jus, la tradition et la légalité ?

Si la base de la plus grande puissance qui fut jamais se cache et s’ensevelit, pour ainsi dire, dans sa ténébreuse profondeur, nous pouvons du moins contempler l’édifice qu’elle porte, et même en nous penchant sur l’abîme où elle repose, nous y discernerons quelques-uns des matériaux dont elle fut formée.

Que signifie cette période des rois ? N’est-ce pas une époque primordiale, et par conséquent obscure, dans laquelle s’élaborent les divers principes constitutifs de la société romaine ? S’il en est ainsi, cherchons à y démêler ces principes constitutifs dans leur enveloppement et leur confusion.

Nous y trouvons d’abord le principe étrusque. De l’Étrurie vinrent les coutumes et les cérémonies religieuses des Romains, et cette science augurale qui jouait un si grand rôle dans leur politique. La religion étrusque était mystérieuse et terrible. L’oracle qu’elle consultait, c’était la foudre ; le ciel enflammé par la tempête, tel était le livre où elle lisait l’avenir. Les chefs étrusques avaient la propriété de cette religion, qui affermissait leur pouvoir. Quelles qu’aient été les causes et les circonstances qui aient introduit à Rome une portion de l’aruspicien étrusque, on ne peut en méconnaître les traces dans l’ancienne organisation romaine. En outre, les insignes de la royauté étaient toutes empruntées à l’Étrurie. Avant que Rome existât, il y avait dans ce pays un sénat, des plébéiens, des gentes, des cliens. La division en trois tribus et en trente curies est, à ce qu’il paraît, étrusque. Remarquons que tout cela est autant coutumes qu’institutions, peut se dire aussi bien mœurs que lois. Avec ces coutumes religieuses et ces formes politiques empruntées aux Étrusques, concoururent, pour for-