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s’en allait ; et le voluptueux César, cherchant à remettre en vigueur les lois somptuaires[1], abolies par les mœurs, n’était pas plus sage que l’austère Brutus.

César était assez corrompu, mais il était trop généreux pour son temps : il tomba. Après lui, il y eut un interrègne des mœurs et des lois, qui s’appela le triumvirat. On vit alors, ce qui arrive quelquefois, les lois mentir aux mœurs. On les vit se hâter, quand le despotisme était imminent, d’appeler la mort et de solennelles malédictions sur la tête de celui qui serait créé dictateur[2]. Cette loi prenait bien son temps, pour paraître entre César et Octave.

On peut connaître, dans le passage de la république à l’empire, quelle était sur les Romains la puissance de la coutume. Les anciennes formes subsistèrent, bien que l’ancienne constitution eût péri. Les assemblées du peuple se continuèrent tout le temps du règne d’Auguste, et Auguste attira à lui tous les pouvoirs, en se faisant décerner tous les titres. Rien ne changeait brusquement à Rome, la tradition n’était jamais entièrement interrompue ; elle se maintenait dans les noms, quand les choses avaient passé.

Le besoin de réformer les mœurs était si pressant, qu’il se fit sentir tout d’abord au gouvernement que leur corruption avait produit. Tel est le but de la plupart des lois portées par Auguste. Les désordres civils avaient multiplié les affranchissemens : il fallut mettre des bornes à ce pouvoir ; il fallut surtout favoriser la population diminuée par les guerres intestines et la dépravation générale.

Tel fut l’objet des fameuses lois Julia et Pappia Popœa, dirigées contre le célibat : elles restreignaient considérablement les droits de succession chez tout individu de plus de vingt-cinq ans et de moins de soixante, qui n’avait point engendré ou adopté d’enfant[3]. Mais cette mesure, qui contrariait les mœurs romaines, ne passa point sans difficulté. Auguste fut même obligé, par des refus tumultueux, dit Suétone, de mitiger la sévérité de sa loi. Rôle bien digne de cette assemblée dégradée qui, toujours lâche envers la tyrannie, ne savait être séditieuse que contre la vertu !

Tibère, que cette sorte d’opposition ne devait pas beaucoup alarmer pour son compte, eut peur de l’ombre du peuple romain. Il jugea plus sûr d’employer, pour son despotisme, ce sénat dont il admirait la bassesse.

  1. Ne quis la argento aurove possideret plus pecuniæ quam 50 sestertia. Dion. 41. 38. Antiquas de sumptibus faciendis severius revocavit. Cic. ad Attic. 13. 7.
  2. L. Antonia, 710.
  3. Hugo, Hist. du droit romain, t. ii, p. 42