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grande distance de la personne qui faisait l’objet de leurs observations : « Ne trouvez-vous pas, comme moi, qu’elle a un faux air de madame Necker ?

— Faux, dites-vous ; malheureusement pour l’une et pour l’autre elles se ressemblent tout-à-fait.

— Oh ! vous êtes sévère ; il est facile de voir que madame Necker a pu être belle ; et quant à mademoiselle de Risthal, — c’est son nom, si j’ai bien entendu, — elle n’est pas mal, grande et assez bien faite, et d’une fraîcheur un peu bourgeoise, mais éclatante, on doit en convenir.

— Oui, c’est dommage pourtant que cette grande figure fraîche reste collée sur son fauteuil comme un automate dont les ressorts ne vont plus.

— Pour cela, je l’avoue, reprit la dame, qui avait parlé la première si je n’avais pas vu la révérence gauche qu’elle a faite en entrant, en vérité, je la prendrais, avec sa toilette de l’autre monde, pour un portrait de collection qui n’attend qu’un vieux cadre.

L’autre dame se mit à rire derrière son éventail ; mais cette précaution ne l’empêcha pas d’être remarquée par l’une de ses voisines, qui avait entendu toute la conversation ; c’était une personne âgée, en deuil, et portant, suivant l’ancienne mode, un bonnet noir à grands papillons. « Je suis moins difficile que mesdames, dit-elle d’un ton sérieux, et je trouve cette jeune personne fort bien. Son maintien a de la décence et de la réserve ; il y a, dans ses grands yeux bleus, une expression de candeur ; et ses manières, simples et tout-à-fait modestes, me paraissent du meilleur ton. De mon temps on faisait cas de ces avantages. »

Le trait alla juste à son adresse ; les deux jeunes dames n’y répondirent que par un sourire contraint, et tant soit peu dédaigneux. La caricature qu’elles avaient faite de l’étrangère, et le portrait flatteur qui était venu ensuite, avaient également de la ressemblance avec mademoiselle de Risthal. C’était, pour ainsi dire, le bon et le mauvais côté de sa personne ; l’un ou l’autre pouvait frapper davantage, suivant l’esprit ou les dispositions de ceux qui la voyaient ; mais, pour tout observateur impartial, sa physionomie, calme et inoffensive, et une certaine fixité dans les traits de son visage, étaient l’indice d’une âme pure et d’un caractère décidé. Quel-