avec celle d’un gentilhomme en France. Vous n’écrasez, vous n’humiliez personne ; vous êtes les premiers entre des citoyens libres et égaux ; vous avez le droit d’employer votre intelligence à l’augmentation de votre patrimoine, le droit d’être économes, industrieux, de placer des capitaux, enfin la possibilité de faire fortune sans déroger.
Le Génevois écoutait ces paroles avec une satisfaction visible, lorsqu’un mouvement qui eut lieu à l’autre bout du salon, attirant l’attention de chacun, et de l’orateur lui-même, termina la conversation. Plusieurs dames se levaient à la fois. Auberti jeta un regard sur la pendule, et alla retrouver sa pupille ; en abordant madame Necker, il s’empressa de lui demander le nom du jeune militaire dont la conversation l’avait si fort intéressé. Enfin, au moment du départ, M. Auberti retrouva son spirituel interlocuteur debout près de la porte, regardant les dames qui se retiraient à la file ; lorsque l’oncle et la nièce passèrent devant lui, il fit un profond salut, auquel Auberti se hâta de répondre par ces mots : « Monsieur le comte, à l’honneur de vous revoir. »
Le comte Charles de Morvelle, qui, dans une seule conversation, venait d’inspirer un commencement d’amitié à l’ami d’enfance de M. Necker, était colonel en second au régiment de Royal-Comtois. Sa famille originaire de Franche-Comté, et, dès le quatorzième siècle, en faveur auprès des ducs de Bourgogne, avait échangé son ancien nom Gaudriot, contre celui d’un des nombreux fiefs qu’elle avait reçus ou acquis. Une partie de cette grande fortune fut dépensée à la cour de France par l’aïeul et le bisaïeul du comte Charles ; son père en dissipa le reste, et ne lui laissa que des