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PHILIPPE DE MORVEL.

vant celui qui abaisse et qui relève, qui afflige et qui console, qui veille sur les cités quand leurs gardes sont endormis.

Pendant ce discours, la physionomie sérieuse de madame Necker prit une expression de recueillement : « Messieurs, dit-elle, pour nous autres enfans de Genève, ce jour est un jour d’action de grâces, et ce repas est la commémoration d’un grand bienfait. Vous permettrez que, suivant notre vieil usage, il se termine par quelques paroles de gratitude envers le bienfaiteur. »

Elle se leva, mais sans quitter sa place ; toute la compagnie fit de même, et le pasteur, debout, dit d’une voix ferme et accentuée « Au roi des siècles, immortel, invisible ; à Dieu, seul sage, qui nous a créés et rachetés, et qui nous nourrit de ses biens, soient honneur, louange et gloire, et maintenant et à jamais ! » Les deux femmes répondirent amen, et tout le monde se dirigea vers le salon.

Durant cette prière, qui, chez les protestans rigides, suit ordinairement chaque repas, madame Necker et mademoiselle de Risthal avaient la tête légèrement inclinée ; le comte de Morvelle, placé près de Sophie, tournait les yeux vers sa jeune voisine ; le marquis de Pezay modelait sa contenance sur celle de M. Necker, qui se tenait droit, mais avec un air de profonde attention. Marmontel et Thomas paraissaient éprouver une sympathie mêlée de respect ; enfin, l’abbé Raynal était distrait, et d’Alembert avait sur les lèvres un demi-sourire.


Mme Augustin Thierry.