Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/733

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
727
REVUE. — CHRONIQUE.

inspirer que la pitié. Riez tant qu’il vous plaira de la femme libre et de ceux qui cherchent ce rare trésor ; mais ne rendez pas la chose tragique en les assommant.

C’était, au reste, très mal aux enfans du père suprême de ne chercher la femme libre que dans l’ancien monde ; le nouveau pouvait, à bon droit, se plaindre de la préférence et réclamer en faveur de ses femmes. Sa plainte a été prévenue ; j’ai sous les yeux deux circulaires, l’une intitulée : Adieux à l’ancien monde, l’autre : Salut au nouveau monde, par lesquelles M. Charles Duguet, chevalier de la mère, croyant à l’égalité des sexes, des races et des mondes, annonce qu’il va partir pour révéler l’Amérique aux Américains, « Nouveau Colomb, nomade prolétaire, sur les lianes du désert et sur la grève des mers, à côté du sien il inscrira le nom de ses frères. Puis, dans un an, peut-être, il reviendra leur dire les échos des savannes mêlés aux bruits de l’océan. »

Un an ! c’est bien peu pour une si rude besogne ; les Américains sont aussi endurcis que pas un d’entre nous. Voici la raison sur laquelle se fonde M. Charles Duguet pour croire qu’il trouvera la messie en Amérique :

« Le père jetant à ses fils en lambeaux la vieille Europe, la vieille Asie, la vieille Afrique, n’a pas eu de voix pour l’Amérique. Notre père n’osant porter son envahissante main sur l’Amérique, le nouveau monde est donc le monde de la mère. »

Il est évident que si le père s’est adjugé modestement l’ancien monde tout entier, ce qui est un peu le partage du lion, il ne reste plus à la mère que le nouveau, à moins, pourtant, qu’elle n’ait établi son séjour dans l’Océanie, qui, de l’avis unanime des géographes, forme un monde à part. C’est à quoi malheureusement M. Charles Duguet n’a pas songé. Il semble néanmoins douter un instant du succès de sa mission, mais il a une consolation toute prête :

« Sans rencontrer la mère, on peut toucher sur son passage de hautes et nobles femmes. Je compte beaucoup sur l’Espagnole à l’œil chaud dans Lima. »

À la bonne heure. Que M. Charles Duguet apprenne seulement que si l’Espagnole dans Lima a l’œil très chaud, ce qui est vrai, et sans préjudice du reste, elle a en revanche l’ouïe très dure, et ne s’émeut qu’au son de certain métal dont je l’engage à faire une ample provision, s’il veut que son apostolat ait quelque succès auprès d’elle. Je joindrai à ce conseil le vœu de le voir rentrer dans son bon sens, et sur ce, je lui souhaite bon voyage.

Le mouvement théâtral a été languissant, comme le mouvement politique, pendant les deux dernières semaines qui viennent de s’écouler. Le