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ennemis sans retenue, tour à tour avare et prodigue, impie et superstitieux, affectant le mépris de l’opinion, et susceptible à l’extrême, orgueilleux de sa naissance et ravalant le génie qui lui vaudra l’immortalité ? car voilà Byron, tel que lady Blessington nous le fait connaître, et l’on n’accusera pas le portrait d’infidélité. Il n’y a pas jusqu’à ses prétentions au dandysme qui ne fassent naufrage avec le reste. Toute sa personne avait quelque chose d’extraordinairement noble et distingué, nous dit lady Blessington, mais sa mise était ridicule ; ses habits paraissaient avoir été achetés tout faits ; le même mauvais goût se faisait remarquer dans son ameublement, ses équipages. N’est-ce pas le cas de s’écrier avec elle :Pauvre Byron ! pauvre Byron !

Combien est plus digne de respects et de sympathies ce fils de la Pologne, cet Adam Mickiewicz, qui console et soutient ses compatriotes dans l’exil, en leur montrant dans l’avenir leur patrie ressuscitée et la vraie liberté triomphant dans l’Europe entière ! On ne peut lire sans émotion ce Livre des Pélerins polonais[1] dont M. Ch. de Montalembert vient de publier une traduction, précédée d’une préface où respire toute l’indépendance de l’école catholique dans les rangs de laquelle il a combattu. À ceux qui adorent la force brute et ses œuvres, il est inutile de recommander la lecture de ce petit ouvrage, écrit tout entier en langage biblique : il est fait pour les âmes qui croient à d’autres puissances. Elles sauront comprendre ces simples et belles paroles :

« Votre pélerinage est devenu la pierre de touche des princes et des docteurs de ce monde ; car dans votre pélerinage n’avez-vous pas reçu plus de secours des mendians que des princes ? Et dans vos combats, et dans vos prisons, et dans votre pauvreté, n’avez-vous pas trouvé plus de nourriture dans une prière, que dans toute la science des Voltaire et des Hegel, laquelle est comme du poison, et plus que dans toute la science des Cousin et des Guizot, lesquels sont comme des moulins vides ?

« Je vous le dis, en vérité, que toute l’Europe apprendra de vous qui sont ceux qu’elle doit appeler puissans et sages ; car maintenant, en Europe, le pouvoir est un opprobre, et la science une folie.

« Mais s’il y en a parmi vous qui disent : Nous voilà sans autres armes que le bâton de pélerin, comment pourrons-nous changer l’ordre établi dans les nations grandes et puissantes ?

« Ceux qui parlent ainsi doivent se rappeler que l’empire romain était grand comme le monde, et que l’empereur romain était puissant comme tous les rois d’aujourd’hui pris ensemble.

  1. Chez Renduel, rue des Grands-Augustins.