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toute espèce de richesse individuelle comme une source de corruption[1]. Plus la propriété et les divers partis persécutés depuis le 31 mai 1793, réagissaient contre les mesures qui les avaient accablés, plus les amis de Babeuf devaient attacher d’importance à en finir avec ces obstacles toujours renaissans. De même que la Convention avait trouvé l’impôt proportionnel trop peu démocratique, les nouveaux conjurés ne voyaient dans le principe d’impôt progressif décrété par elle, qu’une transition pour arriver à leurs fins, une justice incomplète au moyen de laquelle la majorité corrompue avait voulu déguiser son égoïsme.

« L’impôt progressif dit M. Buonarroti, serait un moyen efficace de morceler les terres, d’empêcher la cumulation des richesses et de bannir l’oisiveté et le luxe, si l’estimation exacte des fortunes qu’il exige, n’était pas très difficile à atteindre : on peut bien évaluer le revenu des immeubles ; mais comment apprécier les capitaux qu’il est facile de dérober à tous les yeux ? Cette manière d’asseoir l’impôt, serait tout au plus un acheminement au bien, mais elle ne couperait pas la racine du mal. » (P. 86.) Nous recommandons ces objections à ceux qui réclament aujourd’hui l’impôt progressif de très bonne foi, mais sans le définir ni l’appliquer à aucun objet précis.

Depuis le 18 brumaire jusqu’aux dernières années de la restauration, les essais et controverses que nous venons d’exposer disparaissent entièrement. La grande propriété, secondée par les gouvernemens qui se succèdent, travaille à refaire son ancienne existence. Alors commence une autre réaction dont les causes morales et économiques sont assez compliquées.

Pour la première fois depuis l’an vii, le saint-simonisme entreprend de rajeunir l’impôt progressif, considéré, à cette époque, comme une ressource de guerre, et trente ans plus tard, comme un remède aux calamités de la paix. En effet, les mécomptes industriels qui surviennent après les premiers momens de prospérité dus à la paix de 1815, appellent vivement l’attention des économistes

  1. Le système des conspirateurs consistait simplement à supprimer la propriété individuelle, les villes, l’usage de la monnaie, le commerce et les relations avec les étrangers, etc., afin d’établir une communauté des biens, accompagnée d’institutions qu’il est inutile d’exposer ici.