Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/104

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
REVUE DES DEUX MONDES.

M. Ampère, toutes les connaissances humaines. 1o  L’examen des traits les plus saillans de l’objet d’étude, de tout ce qui, dans cet objet, s’offre immédiatement et, pour ainsi dire, de soi-même à l’observation. 2o  La recherche de ce qui est comme caché sous cette apparence, l’examen de détail, l’analyse qui conduit à la connaissance de la structure intime. 3o  La déduction des rapports qui lient entre eux tous les faits observés. Reste un quatrième degré qui complète la connaissance de l’objet, et qui ne peut venir qu’après tous les autres : c’est celui dans lequel, connaissant bien les faits et les lois qui les régissent, on s’efforce de remonter aux causes. Dans les sciences géologiques, ce quatrième degré qui a pour objet de nous expliquer l’état actuel du globe, en nous faisant connaître ce qui a précédé et amené les grandes catastrophes dont nous apercevons de tous côtés les traces, est ce que l’on nomme Théorie de la terre. D’après ce que nous venons de dire, on conçoit que ce n’est que depuis très peu de temps qu’on a pu s’en occuper avec quelque espoir de succès.

M. Ampère, dans ses leçons sur la classification naturelle des connaissances humaines, a émis, sur la théorie de la terre, des opinions fort ingénieuses, et il a bien voulu nous les développer plus amplement dans quelques conversations particulières ; nous tâcherons d’en donner ici une idée, mais auparavant nous croyons devoir rappeler brièvement les hypothèses d’Herschell sur la formation même du globe.

Prenant les choses de très loin, et s’appuyant des observations qu’il avait faites sur l’apparence des corps célestes, et en particulier des nébuleuses, Herschell se crut autorisé à admettre que la matière dont les mondes sont composés était d’abord à l’état gazeux. En effet, il avait vu que, parmi les nébuleuses, les unes n’offrent à l’œil qu’une lumière diffuse et homogène, analogue à celle de la queue des comètes, tandis que d’autres présentent dans cette même lumière des points plus brillans, qui semblent indiquer que les particules gazeuses commencent à se réunir en noyaux liquides ou solides. Il avait, en outre, remarqué que l’éclat de ces points augmente à mesure que la lumière diffuse va perdant de son intensité ; et de là, il avait conclu assez naturellement que ces différences correspondaient aux différentes phases par lesquelles un monde passe depuis l’époque de sa formation.

« De même, disait-il, que l’homme, pour faire l’histoire du chêne, n’a pas besoin de suivre un arbre de cette espèce pendant la longue période de son existence, qui surpasse de beaucoup la sienne propre, mais qu’il lui suffit de parcourir une forêt pour y observer des chênes dans tous les états par lesquels ils passent successivement, depuis le premier développement de leurs cotylédons jusqu’à leur décrépitude et à leur mort ; de