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MÉLANGES.

Il reste cependant encore, dans les écrits des naturalistes anciens, un grand nombre de faits suspects, et il serait à souhaiter que quelqu’un prit la peine de les recueillir et de les classer. Si on les avait présens à la pensée, quand on lit les relations des voyageurs modernes, on verrait que plusieurs d’entre eux doivent passer dans la classe des faits confirmés, tandis que d’autres mettraient sur la voie pour des recherches ultérieures, et deviendraient cause de quelques découvertes.

On pourrait mettre à part, mais il faudrait se garder de rejeter entièrement, les faits dont l’inexactitude serait évidente, parce que, même dans ce cas, il y aurait à chercher d’où a pu provenir l’erreur. Je dis l’erreur et non pas le mensonge ; car, en ces sortes de matières, les récits, même les plus extravagans, reposent presque toujours sur quelque chose de réel. Dans bien des cas, on trouvera qu’il n’y a eu que l’exagération pardonnable à des hommes peu accoutumés à peser la valeur des mots, et qui, en parlant, sont encore sous l’influence d’une vive impression. Quelques-uns auront été dupes de leur propre imagination, et ayant rêvé les mœurs d’un animal d’après ce qu’ils connaissaient de ses formes, ils auront exprimé d’une manière aussi positive ce qu’ils croyaient que ce qu’ils savaient. Dans d’autres circonstances enfin, l’identité ou seulement la ressemblance des noms aura fait attribuer à un animal ce qui appartenait à un autre.

M. Cuvier, dans les notes qu’il a jointes à la partie zoologique de Pline (édition latine faisant partie de la collection des Classiques de Lemaire, et traduction par M. Ajasson, dans la bibliothèque latine française, publiée par Panckoucke), nous a laissé un admirable modèle de ces recherches critiques sur la partie merveilleuse de l’histoire naturelle. Malheureusement, il n’a pu s’occuper que d’un seul écrivain, et il est à craindre qu’il ne trouve pas de long-temps un continuateur. Pour réussir en effet dans cette entreprise, il faudrait, comme lui, unir à une extrême sagacité une prodigieuse variété de connaissances, être en même temps très savant et très érudit. Il faudrait être familier avec les langues anciennes, pour pouvoir restituer un texte, dans des cas où les seules données philologiques seraient insuffisantes, et avoir même présentes à la mémoire les productions les moins sérieuses de la littérature grecque et latine, de manière à établir au besoin la synonymie d’un poisson sur une épigramme dirigée contre un poète d’Athènes et celle d’un oiseau sur un vers burlesque de Plaute.

En attendant qu’il se présente quelqu’un pour continuer ce grand travail, il n’est pas interdit, même aux plus humbles amis des sciences, de proposer quelques interprétations, de faire quelques rapprochemens. J’ai, dans un article précédent, confirmé, par plusieurs observations modernes,