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tôt qu’on a besoin d’eux, quand le vent du nord souffle ; s’il fait au contraire un vent du midi, la voix leur arrive plutôt. Dans tous les cas, il ne font pas long-temps attendre leur secours. On croirait voir accourir une armée qui prend à l’instant même ses positions dans le lieu où l’action va s’engager. Ils ferment la mer aux muges qui, dans leur épouvante, se rejettent vers les bas fonds. Alors les pêcheurs, pour leur barrer le retour, étendent des filets qu’ils tiennent soulevés à l’aide de fourches. Les muges néanmoins sautent par-dessus, mais ils sont arrêtés par les dauphins, qui, se bornant pour l’instant à les tuer, attendent pour les manger que la victoire soit achevée. Tout pleins de l’ardeur du combat, ils ne s’effraient point d’être cernés par les filets, et afin que leur présence ne soit pas une cause de fuite pour l’ennemi, ils se placent entre les barques et entre les nageurs, de manière à boucher toutes les issues. Quoique se plaisant d’ordinaire à sauter, aucun d’eux n’a recours à ce moyen pour s’échapper, et tous attendent qu’on baisse le filet devant eux. Quand la pêche est finie, ils mangent ce qu’ils ont tué ; mais, sentant que le salaire d’un jour n’a pas acquitté leur service, ils se présentent le lendemain, et se rassasient non-seulement de poissons, mais encore de pain trempé dans du vin qu’on a soin de leur jeter.

Le récit que fait Mucien d’une semblable pêche dans le golfe d’Iassus,

    à cause de la position de leurs narines ou évents qui sont percées au-dessus de la tête. Il paraît que, depuis les temps les plus reculés, le peuple s’est toujours plu à appliquer certains noms d’hommes à quelques espèces d’animaux ; c’est ainsi qu’en France aujourd’hui, ou donne à la pie le nom de Margot, au perroquet celui de Jacquot, et en Angleterre le nom de Neddy à l’âne, et de sir Bruin à l’ours. Notre mot de renard n’est, comme on le sait, qu’un nom burlesque, qui a fini par se substituer au nom propre goupil, dérivé de vulpes. La vogue prodigieuse qu’obtint le roman du Renard contribua principalement à favoriser cette substitution, mais je suis porté à croire que déjà auparavant, dans ce que l’on contait des fourberies du renard, il était commun de le désigner sous le nom ironique de rein hart, cœur simple.

    Le mot de Pierrot, employé communément dans plusieurs parties de la France, pour désigner le moineau domestique, ne doit pas être mis au nombre de ces noms familiers ; c’est un des anciens noms de l’oiseau, dérivé du saxon sparva ou spear (en anglais sparrow). Cette racine s’est aussi conservée dans le mot d’épervier, que les Anglais nomment encore aujourd’hui sparrow-hawk, faucon à moineau. Il se pourrait bien que le mot de moineau, au contraire, eût été d’abord un nom ironique donné à ce passereau, en raison de ses habitudes parasites auxquelles on assimilait celle de certains moines.