Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/224

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
218
REVUE DES DEUX MONDES.

mie française, et contempler malignement nos immortels dans tout l’éclat de leur gloire. Celui-ci avait quelque chose de plus grave et de plus recueilli, comme il convient en présence d’un dieu tel qu’Esculape : çà et là quelques femmes dispersées dans les rangs pressés de l’auditoire, puis la plupart de nos célébrités médicales et scientifiques, et surtout cette jeunesse studieuse qu’on retrouve partout où il y a de nobles plaisirs à goûter, de sérieuses idées à recueillir. Elle venait, par sa présence, rendre un dernier hommage au grand homme dont elle écoutait jadis les leçons avec avidité, et qu’un an auparavant elle avait accompagné au champ du repos. Son émotion était visible, et nous avons surpris plus d’un œil humide, lorsque M. Pariset, en terminant son discours d’une facture tout antique, souvent de la plus haute éloquence, et toujours admirable de logique et de clarté, a rappelé en quelques mots simples et touchans les derniers momens de Cuvier et le retentissement douloureux que causa dans le monde entier cette mort imprévue. Nous étions aussi sous le charme ; et, en même temps, une réflexion nous revint à l’esprit que nous avions déjà faite, quelques mois auparavant, lorsque à la chambre des pairs nous assistions à un autre tribut funèbre payé à l’Aristote de nos jours par une voix moins éloquente. L’orateur d’alors parla long-temps, et cependant il ne louait dans Cuvier que l’administrateur, l’homme dont les opinions faisaient loi dans les conseils ; du savant, à peine en fut-il touché quelques mots. Cette fois, c’était le naturaliste, le génie initié aux lois les plus mystérieuses de la création, qui prédominait : le reste avait, en quelque sorte, disparu. Un troisième peut venir, qui, envisageant Cuvier sous le rapport littéraire, peindra cette parole lucide, dédaignant le faste des mots, portant la lumière dans les intelligences de tous les degrés, et trouvera matière à exciter notre admiration comme ses prédécesseurs. Songeant à cela, nous avons senti toute la misère de notre intelligence comparée à cette intelligence encyclopédique, que, pour étudier et connaître, on est, pour ainsi dire, obligé de morceler, en s’attachant de préférence à telle ou telle de ses parties. L’académie de médecine, dont M. Pariset était l’interprète, devait naturellement porter son attention sur l’homme scientifique ; la tâche a été noblement remplie ; l’éloge de Cuvier n’est plus à faire.

Si vous êtes curieux de voir un tour de force littéraire, allez aux Français voir jouer la mort de Figaro, de M. Rosiers. Le barbier a conservé le langage que vous lui connaissez, et c’est là qu’est le tour de force ; seulement son caractère jovial a subi des changemens étranges. Le voilà devenu conspirateur, et comme tant d’autres il meurt à la peine. Maintenant qu’il est bien et dûment enterré, espérons que personne ne viendra troubler son repos. Quant à son entourage ordinaire, le comte Almaviva, Rosine,