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REVUE. — CHRONIQUE.

Suzanne, etc., vous ne les reconnaîtriez pas, si l’auteur n’avait pris soin de conserver leurs noms. La pièce a réussi.

À défaut d’évènemens, nous avons à examiner bon nombre d’ouvrages que les bornes étroites dans lesquelles nous sommes habituellement renfermés nous ont obligés de laisser en arrière.

Que dirons-nous d’abord de Entre onze heures et minuit[1], par M. Alphonse Brot, et des Légendes rouges[2], de M. Famin, si ce n’est que ce sont des contes comme il en pleut par milliers, de ces contes qu’on dirait sortis d’un moule unique que quelque mauvais génie prête à certains auteurs, et que ces messieurs se passent de main en main après s’en être servi ? Toujours la même physionomie, toujours cet éternel mensonge de la nature humaine frénétique dans ses joies, frénétique dans ses douleurs, et n’agissant jamais dans les limites que Dieu lui a imposées. Quels organes de chair pourraient résister au genre de vie que mènent la plupart des héros de ces malencontreux récits ? Demandez-le un peu aux physiologistes. Ce n’est pourtant pas à dire que les deux productions ci-dessus soient dépourvues de tout mérite, surtout celle de M. Brot : Thérèse Duplay et Une vision d’Hoffman, sont les deux morceaux auxquels nous donnerions la préférence, si nous étions obligés de faire un choix. Des autres, nous n’en parlerons pas, non plus que du livre de M. Famin, qui a eu grand tort d’abandonner ses études archéologiques, où il pouvait prétendre à quelque succès.

L’auteur américain du Coin du feu d’un Hollandais[3], Paulding, nous a envoyé récemment, à travers l’Atlantique, un nouveau roman qui vient d’être traduit en français. À l’Ouest ! tel est le titre de cet ouvrage qui n’est qu’une faible réminiscence des créations vivantes de Cooper, le seul homme qui ait su transporter dans le roman tout ce que les solitudes de l’Amérique ont de grandeur et de mystères. Nous disons le seul, car Atala et les Natchez appartiennent à une autre série d’idées où la poésie vient davantage au secours de la réalité. Le roman de M. Paulding s’ouvre par une peinture fort bien faite et fort intéressante des mœurs insouciantes, larges et hospitalières des créoles de la Virginie, mœurs qui n’ont jamais existé que dans les colonies, et dont celles de l’Europe ne peuvent donner aucune idée. Le colonel Dangerfield, qui toute sa vie a vécu en vrai Virginien, se trouve un beau jour ruiné

  1. Chez Hypolite Souverain.
  2. Chez Abel Ledoux.
  3. Chez Fournier.