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pour la fixation de ces quatre lots ; car, indépendamment de la bizarrerie d’une pareille division territoriale, on trouve encore une foule d’enclaves dont il est impossible de se rendre compte. Rouen et Nantes sont du royaume de Hilperik, et Avranches du royaume de Haribert ; ce dernier possède Marseille, et Gonthramn Aix et Avignon ; enfin Soissons, capitale de la Neustrie, est comme bloquée entre quatre villes, Senlis et Meaux, Laon et Reims, qui appartiennent aux deux royaumes de Paris et d’Austrasie.

Après que le sort eut assigné aux quatre frères leur part de villes et de domaines, chacun d’eux jura, sur les reliques des saints, de se contenter de son propre lot, et de ne rien envahir au-delà, soit par force, soit par ruse. Ce serment ne tarda pas à être violé ; Hilperik, profitant de l’absence de son frère Sighebert, qui guerroyait en Germanie, attaqua Reims à l’improviste, et s’empara de cette ville, ainsi que de plusieurs autres également à sa portée. Mais il ne jouit pas long-temps de cette conquête ; Sighebert revint victorieux de sa campagne d’outre-Rhin, reprit ses villes une à une, et, poursuivant son frère jusque sous les murs de Soissons, le défit dans une bataille, et entra de force dans la capitale de la Neustrie. Suivant le caractère des barbares, dont la fougue est violente, mais de peu de durée, ils se réconcilièrent, en faisant de nouveau le serment de ne rien entreprendre l’un contre l’autre. Tous deux étaient d’un naturel turbulent, batailleur et vindicatif à l’excès. Haribert et Gonthramn, moins jeunes et moins passionnés, avaient du goût pour la paix et le repos. Au lieu de l’air rude et guerrier de ses ancêtres, le roi Haribert affectait de prendre la contenance calme et un peu lourde des magistrats qui, dans les villes gauloises, rendaient la justice d’après les lois romaines. Il avait même la prétention d’être savant en jurisprudence, et aucun genre de flatterie ne lui était plus agréable que l’éloge de son habileté comme juge dans les causes embrouillées, et de la facilité avec laquelle, quoique Germain d’origine et de langage, il s’exprimait et discourait en latin[1]. Chez le roi Gonthramn, par un singulier contraste, des manières habituellement douces et presque sacerdotales s’alliaient

  1. Si veniant aliquæ variato murmure causæ,
    Pondera mox legum regis ab ore fluunt.