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puisse piquer vivement notre curiosité, absorbée, d’ailleurs, par les faits qui se succèdent sans relâche sous nos yeux. Cependant nous avons fait, dans tous trois, divers essais de colonisation pendant ces quinze dernières années. Ces essais n’ont pu avoir lieu sans dépenses assez considérables, et surtout sans qu’il en coûtât la vie à un certain nombre d’hommes, qui allaient chercher un sort plus heureux sur ces plages lointaines ; tous ont complètement échoué, et ont justifié, en quelque sorte, le reproche qu’on nous adresse, d’être frappés d’incapacité en matière de colonies. N’est-il pas alors de quelque importance de rechercher jusqu’à quel point cette accusation est fondée, et de connaître les fautes qui ont été commises, afin de les éviter, si jamais nous renouvelons nos tentatives dans ce genre ?

Entre autres résultats fâcheux que produit parmi nous cette indifférence à l’égard des colonies, il faut compter l’absence de discussion, par la presse, des plans de colonisation qui sont mis en avant dans un intérêt souvent tout personnel, et qui sont beaucoup plus communs qu’on ne le suppose généralement, vu le peu de sensation qu’ils produisent. Chez les Anglais, qu’il faut toujours citer lorsqu’il s’agit de marine et de colonies, les choses ne se passent pas ainsi. Une émigration n’est jamais proposée sans que les journaux ne s’emparent du projet, ne le discutent minutieusement, et n’éclairent sur ses avantages ou ses inconvéniens ceux qui seraient tentés d’y prendre part. En France, au contraire, le premier faiseur de projets venu a beau jeu avec cette classe d’hommes qui, sans lumières et sans propriétés, est plus que toute autre disposée à échanger le sol de la patrie contre une terre étrangère que des prospectus mensongers lui peignent sous les plus séduisantes couleurs. L’illusion ne se dissipe qu’en arrivant sur les lieux : d’inutiles regrets, auxquels la mort met bientôt un terme, s’emparent des exilés ; la nouvelle colonie se dissout, un bruit vague en vient jusqu’à nos oreilles, et tout est oublié. Telle est en peu de mots l’histoire de toutes ces entreprises mal conçues et plus mal exécutées, depuis celle de Kourou, dans le dernier siècle, qui a coûté la vie à douze mille personnes, jusqu’à cette spéculation du Guazacualco, dont nous avons vu s’embarquer les victimes il y a quelques années.