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Sainte-Marie offrait un spectacle non moins affreux. L’abandon complet dans lequel on laissait les Malgaches, excitait les plaintes de ces infortunés, qui nous reprochaient amèrement d’être la cause de leurs maux. Les forêts étaient jonchées de cadavres. Les plus misérables avaient recours, comme leurs compatriotes de Tintingue, à l’écorce des arbres ; les autres se jetaient sur les plantations, et arrachaient les cannes à sucre, le manioc et les autres vivres, avant même qu’ils fussent parvenus à leur maturité ; ces voleurs étaient des femmes, des vieillards, des enfans, la population entière en un mot. Les prisons regorgeaient de coupables arrêtés pour les mêmes crimes, et ne pouvaient plus en recevoir. Les troupeaux du gouvernement, qui avaient d’abord été respectés, furent attaqués à leur tour comme les propriétés particulières, et l’on fut obligé de les faire garder par des soldats de la garnison, déjà à peine suffisans pour le service ordinaire. On peut estimer, sans exagération, à quatre mille le nombre des Malgaches qui furent enlevés par cette famine.

Au mois de janvier 1831, quelques démarches du général Coroller ayant fait naître l’espoir d’un accommodement, l’autorité de Bourbon se détermina à faire partir de nouveau un envoyé près du gouvernement hova et choisit encore M. Tourette. Cette fois il parvint jusqu’à Tananarive, mais sans pouvoir obtenir d’être présenté à la reine. Après plusieurs jours d’attente qui se passèrent dans des fêtes que les Hovas rendirent à dessein le plus brillantes possible, afin de donner une haute idée de leur civilisation au commissaire français, une réunion de ministres et de généraux eut lieu pour écouter les propositions dont il était porteur. La faction militaire qui avait fait périr Andremiahaja, était toute puissante à cette époque, et faisait trembler la reine, les ministres et le peuple lui-même au moyen de l’armée. Toutes les affaires se décidaient dans un conseil de douze généraux dont la guerre avec la France augmentait l’importance, et qui avaient par conséquent intérêt à sa prolongation. Dans les séances qui eurent lieu pour traiter avec M. Tourette, ces généraux étaient trois fois plus nombreux que les ministres qui penchaient pour la paix, et l’emportèrent nécessairement sur ces derniers. Tous refusèrent de jamais consentir à un accord, tant que la France prétendrait avoir des droits sur Madagascar, et, après d’orageuses discussions, qui durèrent quatre jours, et