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MAGIE ORIENTALE.

Persécuté d’abord, comme tous ceux qui mettent en avant une idée neuve, il quitta son pays le cœur navré de ses mécomptes, et nous vint à Paris, à cette époque d’enthousiasme et d’exaltation où les esprits affamés d’émotions nouvelles étaient trop heureux de s’attacher à quelque chose, fût-ce même à Mesmer.

On vit alors, au milieu de tout un édifice social qui s’écroulait, naître cet avenir nouveau et surnaturel qu’un homme, un fou peut-être, proclamait en public.

Mais ce fut un nuage qui passa, puis s’évanouit, et c’est avec peine que nous en trouvons aujourd’hui des traces dans quelques imaginations ardentes de notre pays, dans quelques cabinets d’étude de la studieuse Allemagne.

Mais l’Orient, cet antique pays, ce vieux berceau, de nos jours cette tombe de tous les arts et de toutes les sciences, fut aussi et de tout temps le domaine du savoir occulte et des secrets puissans qui frappent l’imagination des peuples. — Et cependant la ruine du colosse, qu’on menaçait d’élever au-dessus de notre faible humanité ne me décourage pas, je vais vous faire connaître un autre moyen d’arrière-vue, de prévision, plus simple, plus naturel, un vrai jeu dont on peut s’amuser au coin de son feu, le soir au milieu de sa famille, qui vous apprend le passé, l’avenir, rappelle les morts, donne des nouvelles des absens. — Vous riez, oh ! prenez cela au sérieux, car c’est un pouvoir qui vous domine, une force qui vous abat, quelque chose d’insaisissable, d’incompréhensible.

J’étais établi au Caire depuis plusieurs mois, quand je fus averti un matin par lord P…, frère du duc de N…, qu’un Algérien, sorcier de métier, devait venir chez lui pour lui montrer un tour de magie qu’on disait extraordinaire. Bien que j’eusse alors peu de confiance dans la magie orientale, j’acceptai l’invitation ; c’était, d’ailleurs, une occasion de me trouver en compagnie fort agréable. Lord P… me reçut avec sa bonté ordinaire et cette gaîté naturelle qu’il avait su conserver au milieu de ses connaissances si variées, et de ses recherches assidues dans les contrées les plus difficiles à parcourir. Combien de gens se seraient affublés à moins d’un pédantisme intraitable ! — Achmed le sorcier n’est pas encore ici, me dit-il ; mais voici un hargilé, et nous allons boire le café en l’attendant. — Alors nous nous assîmes et nous passâmes en revue ses