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REVUE DES DEUX MONDES.

Je ne puis concevoir cet excès de folie,
Reviens de ton erreur, c’est moi qui t’en supplie.


et ainsi de suite sans monter ni descendre d’un octave. Mais nulle part le talent poétique de M. François Cristal ne s’est élevé plus haut que dans le quatrième acte. Pilate cause avec sa femme Valérie, qui veut à toute force qu’il ne condamne pas Jésus-Christ : cette Valérie est une maîtresse femme, une nouvelle Émilie qui ne rêve que liberté et qui en parle, comme le vieil Horace. À son mari qui lui dit avec douceur :


Et pourquoi, Valérie,
À cet homme veux-tu que je sauve la vie ?


elle répond par ces vers foudroyans :


Tu viens me demander, dans ton indifférence,
De cet homme pourquoi j’entreprends la défense ?
Romain dégénéré, ne te souvient-il plus
Que ta femme est du sang de Caïus Gracchus ?
Quoi ! parce qu’un tyran commande aux bords du Tibre,
Crois-tu donc qu’il n’est plus de Romaine au cœur libre ?


À quoi Pilate, qui dans toute cette scène se comporte en véritable épicier, réplique fort sensément :


Pourquoi penser toujours au siècle des Gracchus ?
Ils sont morts ! des Romains les beaux jours ne sont plus.
Songe à nos intérêts ; ne va pas follement
D’un brillant avenir saper le fondement.


Mais Valérie ne se le tient pas pour dit et accable son époux de vers si ronflans, qu’elle en obtient enfin ce qu’elle désire. Pilate reste seul, et comme la scène conjugale l’a mis en verve de discourir, l’honnête proconsul s’avise de faire de la philosophie épicurienne : il regrette de Tibur le séjour enchanteur ; il trouve le fardeau du pouvoir lourd à porter, et parle de donner sa démission et de rentrer dans la vie privée ; mais une réflexion subite l’arrête, et lui arrache cette exclamation pathétique :


Le repos, à mon âge, est bien fastidieux !
Ah ! si l’on me nommait consul de Bithynie,
De la Grèce, du Pont, ou bien de l’Arménie !
Comme j’accepterais un pareil changement !


Au cinquième acte, on voit Jésus-Christ marcher au supplice, couronné