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REVUE DES DEUX MONDES.

Elles flottent au loin dans les vents empestés,
Elles ont ébranlé de terribles idoles ;
Mais les oiseaux du ciel en sont épouvantés.
L’hypocrisie est morte, on ne croit plus aux prêtres.
Mais la vertu se meurt, on ne croit plus à Dieu.
Le noble n’est plus fier du sang de ses ancêtres ;
Mais il le prostitue au fond d’un mauvais lieu.
On ne mutile plus la pensée et la scène ;
On a mis au plein vent l’intelligence humaine :
Mais le peuple voudra des combats de taureau.
Quand on est pauvre et fier, quand on est riche et triste,
On n’est plus assez fou pour se faire trapiste ;
Mais on fait comme Escousse, on allume un réchaud.



v.


Quand Rolla sur les toits vit le soleil paraître,
Il alla s’appuyer au bord de la fenêtre.
De pesans chariots commençaient à rouler.
Il courba son front pâle, et resta sans parler.
En longs ruisseaux de sang se déchiraient les nues ;
Tel, quand Jésus cria, des mains du ciel venues
Fendirent en lambeaux le voile aux plis sanglans.

Un groupe délaissé de chanteurs ambulans
Murmurait sur la place une ancienne romance.
Ah ! comme les vieux airs qu’on chantait à douze ans
Frappent droit dans le cœur aux heures de souffrance !
Comme ils dévorent tout ! comme on se sent loin d’eux !
Comme on baisse la tête en les trouvant si vieux !
Sont-ce là tes soupirs, noir esprit des ruines ?
Ange des souvenirs, sont-ce là tes sanglots ?
Ah ! comme ils voltigeaient, frais et légers oiseaux,
Sur le palais doré des amours enfantines !