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ANCIENNE POÉSIE SCANDINAVE.

Les enfans de Mimir[1] jouent. L’arbre du monde s’embrase. Heimdall souffle dans la corne antique de Giallar ; ses sons remplissent l’air. Odin converse avec la tête de Mimir.

Ygdrasil, le puissant frêne[2], s’agite ; le vieil arbre gémit quand les géans sont déchaînés ; tous les êtres tremblent dans les routes de la mort, jusqu’à ce que le feu de Surtur dévore le monde.

Le dévorant rugit sur la bruyère de Gnipa, le loup brise ses chaînes et se précipite.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Le grand serpent qui entoure la terre se roule, possédé de la furie des géans, le serpent presse les vagues ; l’aigle crie, de son bec pâle il déchire les cadavres ; le vaisseau des morts est mis à flot.

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Surtur[3] vient du midi, roulant des flammes ; de son glaive resplendit le soleil du dieu des morts ; les rochers se brisent, les géantes errent, les hommes foulent les voies de la mort, et le ciel se fend.

Où en sont les Ases ? où en sont les Alfes[4] ? La vaste demeure des géans rugit ; les Ases tiennent conseil ; les sages habitans des montagnes soupirent à l’entrée des cavernes. Comprenez-vous ceci ? Savez-vous ce que je veux dire ?

Le soleil commence à noircir, la terre tombe dans la mer, les brillantes étoiles s’évanouissent, la fumée ondoie au-dessus de l’incendie, les flammes se jouent dans le ciel.

Alors elle vit la terre, admirablement verte, de nouveau sortir de la mer ; elle vit les cascades se précipiter, et, au-dessus, voler l’aigle, qui guette le poisson du haut des rochers.

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Alors les moissons croîtront sans être semées ; tout malheur sera détruit : Baldur viendra et bâtira avec Hautr[5] la belliqueuse de-

  1. Les vagues sont déchaînées ; le crâne de Mimir, c’est l’Océan.
  2. C’est le monde.
  3. Le Noir, c’est-à-dire l’obscur, le voilé, le dieu suprême, qui détruit et renouvelle l’univers.
  4. Les génies, les puissances de la nature.
  5. Baldur ou Balder et son frère Hautr ou Hother, qui l’a tué re-