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chien qui se montrait le plus exigeant. On verra la même chose dans l’exemple que je citerai relativement au cheval.

Dans les écuries du dernier roi d’Angleterre, alors prince régent, un cheval de race et un petit chien griffon s’étaient liés d’une étroite amitié. Tant que le cheval restait debout, le chien était placé sur son dos ; mais dès que le cheval se couchait, le chien quittait la stalle et s’en allait courir ailleurs, sans paraître sensible aux hennissemens par lesquels son ami le rappelait. Le pauvre cheval, ne pouvant suivre son camarade, cherchait du moins à le retenir le plus long-temps possible, et bientôt il en vint à ne plus se coucher. Ce changement d’habitudes ne fut pas sans inconvéniens pour lui : ses jambes commencèrent à s’engorger, et les palefreniers, qui avaient reconnu la cause du mal, crurent la faire disparaître en enlevant le griffon de l’écurie. Mais dès ce moment l’animal ne mangea plus, et on sentit bientôt que si on voulait le conserver, il fallait lui rendre son compagnon ; c’est ce qu’on fit en effet, et le cheval reprit sa gaîté et son appétit, mais il devint impropre à la course.

Cette affection qui se porte sur un objet déterminé, et peut s’adresser, soit à un être de même espèce que celui qui la ressent, soit à un animal d’une espèce très différente, est un des modes de manifestation du penchant général de sociabilité. Une autre modification du même penchant, moins aimable parce qu’elle est moins désintéressée, c’est le besoin de compagnie, besoin qui devient plus impérieux, à mesure qu’on y cède davantage, et qui finit quelquefois par occasionner un état maladif comparable à celui de certaines femmes nerveuses. J’en citerai un cas assez étrange, mais dont je puis garantir l’authenticité.

Madame L., Anglaise d’origine, mais mariée à un habitant de Florence, avait pour les animaux une tendresse extrême, et non-seulement prenait grand soin que ceux qui lui appartenaient ne manquassent de rien, mais encore cherchait à deviner leurs désirs, et se prêtait à toutes leurs fantaisies. Dans sa maison, chiens et chats avaient besoin qu’on s’occupât d’eux sans cesse. Si l’on restait quelque temps sans leur adresser la parole, sans leur faire une caresse, ils cherchaient par toutes sortes de moyens à attirer l’attention, et étaient évidemment malheureux quand ils n’avaient pu y réussir. Ce n’était pas d’ailleurs, comme on va le voir, au salon seulement que se trouvaient ces enfans gâtés.

Madame L. passait les étés à une villa située à peu de distance de Florence, et là, moins distraite par les devoirs de la société, elle s’occupait encore davantage de ses animaux. Une personne de ma connaissance, étant allée l’y voir, la trouva souffrante, et apprit, non sans un extrême étonnement, qu’elle avait pris une courbature en promenant un cheval pour em-