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comtat d’Avignon, il se trouvait une belle chance d’élection pour un ministre qui a dans son portefeuille des faveurs et des grâces à en revendre, pour nous servir d’une excellente locution populaire.

Le député de ce collège (nous nous abstiendrons de nommer l’un et l’autre), homme agréable, bon vivant et bon convive, a été nommé par une majorité d’électeurs composée de ses créanciers. Les braves gens, s’étant un jour rassemblés pour concerter les moyens de faire payer leur débiteur, eurent l’excellente idée, au lieu de l’envoyer à Sainte-Pélagie, de le faire écrouer à la chambre. Il est sur le point d’achever ses cinq ans, et il a été si utile à sa commune et à ses électeurs, qu’à la fin de sa captivité législative, il obtiendra sans doute son élargissement et sa quittance. C’est ce député que M. Thiers songeait à remplacer, si la dissolution avait été inévitable ; il eût rempli, de sa main de ministre, en bonnes grâces et en bonnes paroles, les obligations de son prédécesseur, et peut-être eût-il contracté quelques dettes dans le pays pour mieux assurer sa nomination future. On cherche encore la comédie de mœurs ! Regnard et Destouches sont des écoliers près de nos ministres.

Si nous disions les petits motifs secrets des autres membres du conseil, on ne voudrait pas nous croire, tant ici la vérité touche à l’invraisemblance. On sait ce qui en est advenu. La dissolution a été rejetée à une forte majorité, appuyée par la grande voix du conseil, et M. Thiers, qui tient à se faire un avenir tranquille, et à ne pas quitter son ministère, au moment de dépenser un crédit de 80 millions, a fait décider l’insertion de la note du Moniteur, en disant : « Une note n’oblige à rien ; si nous changeons d’avis, et qu’il nous plaise de dissoudre plus tard la chambre, nous mettrons une autre note. » M. Thiers est un habile homme !

L’affaire du Portugal n’a pas été arrangée moins bravement par nos ministres ; l’Angleterre voulait que le conseil de régence fût dirigé par M. de Palmella, homme tout dévoué aux intérêts britanniques : le conseil de régence sera dirigé par M. de Palmella. Lord Grey a écrit à cette occasion à M. de Talleyrand, que le Portugal ne pouvait et ne devait être autre chose qu’un vignoble anglais, et M. de Talleyrand, qui achète en ce moment ses vins à Londres, n’a pas jugé à propos de s’y opposer.

Cela fait, M. Guizot est parti, non sans un peu d’humeur, pour la campagne, et M. le duc de Broglie est allé retrouver Mme  la duchesse de Broglie à Broglie, près de Pont-Audemer. M. Sébastiani a fait préparer sa dormeuse pour se transporter aux eaux du Mont-d’Or, où se trouve le maréchal Soult ; M. Thiers a pris congé de sa jolie future, et se dispose à faire un voyage en Angleterre. M. d’Argout, M. Humann et M. Barthe, les trois incapacités du conseil, restent chargés du poids des affaires. Nous ne