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REVUE. — CHRONIQUE.

les ténèbres couvrent encore la face de l’abîme, et l’esprit de Dieu est toujours porté sur les eaux : pour que la lumière y soit faite, il faut que la philosophie ait analysé le principe vivifiant de l’art au moyen âge. Ce principe est au fond de la métaphysique chrétienne.

Ce n’est point une systématisation nouvelle qu’a entreprise M. Charpentier, c’est une exposition brillante et limpide L’auteur même ne prétend pas avoir exposé en 400 pages cette prodigieuse histoire. S’il l’eût tenté, s’il eût voulu seulement tenir note des détails, il n’eût pu donner qu’une table des matières. Il devait se contenter d’indiquer vivement les points lumineux du sujet. L’érudition et le talent remarquable dont témoigne partout son livre, font désirer qu’il poursuive son travail, qu’il descende des sommités où il s’est arrêté, aux parties inférieures qu’il a laissées dans l’ombre.

Ce qui me frappe dans ce livre, c’est le grand nombre des aperçus ingénieux, des rapprochemens judicieux et brillans. Qu’on me permette d’en faire remarquer un qui se rattache de plus près à mes études ordinaires. L’auteur ne pouvait entrevoir que de profil l’histoire du moyen âge ; mais lorsqu’il l’a rencontrée, il y jette de vives lumières. Il a fort bien remarqué la perpétuité des traditions qui rattachent saint Thomas de Kenterbury à ses prédécesseurs, Lanfranc et saint Anselme. Lanfranc lui-même, le confident de Guillaume, l’organisateur de la conquête, défendit par-devant le Conquérant les privilèges des hommes de Kent. C’est un fait important que j’ose signaler à l’attention de l’illustre auteur de la Conquête de l’Angleterre par les Normands. Il n’a peut-être pas fait assez ressortir l’esprit de l’église de Kenterbury, de Dunstan à Lanfranc et saint Anselme, et de saint Thomas à Étienne Langton, qui fit signer au roi Jean la grande Charte.

J’aurais pu indiquer dans l’ouvrage de M. Charpentier beaucoup d’autres rapprochemens curieux et nouveaux. Mais tout le monde voudra lire ce livre remarquable, le premier dans notre langue, où l’on ait resserré sous une forme élégante et ingénieuse, ce vaste sujet de l’Histoire littéraire du moyen âge.


Michelet.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

Parmi les ouvrages importans que notre correspondance nous signale, comme devant paraître prochainement à l’étranger, nous citerons d’abord, aux États-Unis :

The Life and Writings of Washington (la vie et les écrits de Washington),