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REVUE DES DEUX MONDES.
TICKLE.

C’est une belle et touchante ambition !

LA REINE.

Mais aussi la sienne est insatiable et parfois fatigante : un mot l’irrite, un regard l’effraie ; il est jaloux d’une ombre ; il n’y a pas de calme possible dans son amour.

TICKLE.

Cet amour-là est une tyrannie, une guerre à mort, un combat éternel !

LA REINE.

Tu ne sais ce que tu dis ; c’est le plus doux et le meilleur des hommes. Je lui reproche, au contraire, de trop renfermer au dedans de lui les chagrins que je lui cause. Au lieu de s’en plaindre franchement, il les concentre, il les surmonte, et avec toute cette résignation, tout ce courage, toute cette douceur, il dévore sa vie, il use son cœur, il est malheureux.

TICKLE.

Infortuné jeune homme ! Votre Grâce devrait avoir plus de compassion, lui épargner…

LA REINE.

Mais de quoi se plaint-il, après tout ? Son cœur est injuste, son esprit est plein de travers, d’inconséquences, de souffrances sans sujet et sans remède. Que puis-je faire pour un cerveau malade ? Je l’aime de toute mon âme et lui épargne la douleur tant que je puis. Mais le mal est en lui, et parfois, en le voyant marcher, pâle et sombre, à mes côtés, je l’ai pris pour l’ange de la douleur.

TICKLE.

Le spectacle d’un homme toujours mécontent doit être un grand supplice pour une âme généreuse comme celle de votre grâce.

LA REINE.

Oui, cela non seulement m’afflige, mais encore me blesse et m’irrite. Quoi de plus décourageant que de vouloir consoler un inconsolable ? C’est se consumer jeune et pleine de santé auprès du lit d’un moribond qui ne peut ni vivre ni mourir.

TICKLE.

Votre Grâce a fait pourtant bien des sacrifices pour lui. De quoi