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die avait des défauts, il fallait me les indiquer, je les aurais fait disparaître. Mais ce n’étaient pas les vers qui vous occupaient, c’était l’auteur que vous vouliez présenter comme un homme léger, frivole, s’occupant à composer des comédies, comme si Térence et Plaute, qui ont écrit aussi des comédies, étaient réputés légers et frivoles ! Mais passons là-dessus, et occupons-nous de médisances qui attaquaient mon honneur et ma réputation. Vous m’avez prêté vingt-cinq pièces d’or, service digne d’un véritable ami ; car on peut avoir toute confiance en celui qui est dépositaire fidèle. L’argent est aussi précieux que le sang, c’est une seconde vie. Vous m’avez donc aidé, je l’avoue, dans une occasion importante, et quoi qu’il arrive, je vous serai toujours obligé de ce service. Vous m’aviez redemandé la somme, je ne l’avais pas refusée ; mais comme j’étais alors sans argent, j’ai emprunté à un autre, pour vous restituer ce qui vous était dû. Jusqu’ici tout va bien. Mais quelques jours après, comme vous m’aviez demandé je ne sais quoi qu’il m’était tout-à-fait impossible de vous prêter, vous avez prétendu que je m’étais emporté, parce que vous me redemandiez votre argent. C’était me faire un très grand tort assurément, car qui eût voulu désormais me prêter de l’argent alors que je passais pour me fâcher quand on me redemandait une dette ? Vous m’avez donc affublé gratuitement d’un vilain défaut, et vous m’avez d’autant plus offensé en me faisant cette réputation, que je ne la mérite nullement ; vous le savez mieux que qui que ce soit. Voilà, Michel, ce qui m’a blessé au cœur. Et si vous dites que depuis ce moment j’ai été moins bien avec vous que je n’étais auparavant, je ne le nierai pas, parce que j’avais la certitude que vous m’aviez fait tort par vos mauvais propos. Toutes ces blessures auraient pu cependant être adoucies, si vous n’en aviez pas ajouté de nouvelles. Ainsi j’aurais pu facilement détruire le mauvais effet qu’a produit votre plainte à l’occasion de la prétendue humeur que j’ai témoignée, quand vous m’avez redemandé votre argent. Alors nous ne nous connaissions pas depuis très long-temps, et il m’eût été facile de me détacher peu à peu de vous, sans exciter la curiosité du public. Mais ce qui m’a entièrement détaché de vous, c’est lorsque que j’ai su que vous alliez dire partout que je me fâchais quand on me redemandait de l’argent prêté. Oh ! alors c’est bien votre faute si j’ai coupé court à notre liaison. Je n’ai plus voulu dénouer seulement, mais j’ai coupé nettement le lien qui nous unissait, et je pense que votre conduite devait naturellement amener ce résultat. Car que vous ayez vendu à Jacob le coffre que vous m’aviez destiné, que vous m’ayez redemandé les livres que vous m’aviez prêtés, que vous ayez même gardé les miens, je ne considère pas cela comme de grandes fautes, et je l’attribue à la colère qui s’est emparée de vous au