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que je ne pouvais la communiquer qu’à un mandarin du premier rang, et que je les priais en conséquence d’en faire venir un. Ils terminaient presque toutes leurs phrases en nous engageant à partir sans retard. Pendant cette discussion qui se passait au milieu de conversations bruyantes, différens avis paraissaient partager les esprits ; enfin, le parti qui nous était contraire l’emporta, et un homme eut l’audace d’écrire : « Si vous ne partez pas à l’instant, on va faire venir des soldats pour vous couper la tête ; » à quoi il ajouta un moment après : « Partez, sinon vous vous en trouverez mal ; votre vie n’est pas en sûreté ici. » M. Gutzlaff, en réponse à cette insolente injonction, écrivit : « Qui êtes-vous ? et de quelle autorité êtes-vous revêtu pour vous servir d’un langage aussi hardi ? Si votre roi le savait, il vous punirait sévèrement pour nous traiter ainsi, nous qui sommes ses amis. » Cette menace effraya la foule, qui, cependant, n’en continua pas moins de nous presser, par signes, de retourner à bord. »

Dans son entrevue avec les chefs coréens, qui eut lieu quelque temps après, dans un autre village, le capitaine Lindsay fit également preuve d’une fermeté propre à leur inspirer du respect envers les Européens.

« Vers les quatre heures de l’après-midi, M. Gutzlaff et moi nous partîmes dans la chaloupe, accompagnés de nos deux amis, qui, à mesure que le moment de l’entrevue approchait, témoignaient par leurs gestes qu’ils n’étaient nullement à leur aise. Nous nous dirigeâmes sur le village où résident temporairement les chefs, et nous débarquâmes sur la grève, au milieu d’une cinquantaine de Coréens à figures sauvages, dont quelques-uns remplissaient à l’occasion les fonctions de bourreau, et qui auraient voulu nous voir bien loin. Yang-yih avait également perdu toute sa vivacité, et écrivit avec un pinceau que les chefs étaient absens, et que nous ferions mieux de revenir le lendemain matin ; mais il était alors trop tard pour reculer, et je voulus en finir. Nous marchions vers l’une des portes du village, entouré d’une forte palissade de douze pieds de haut, qui empêche d’en apercevoir les maisons. Comme nous en approchions, nous entendîmes le son des trompettes, et nous aperçûmes deux soldats venant à nous en sonnant de toute la force de leurs poumons. Ils arrivèrent à la