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trouvé ni bon ni honorable de se rallier au ministère de Casimir Périer, si misérablement prolongé par M. Guizot et M. Thiers.

Dès l’apparition de ce livre, le mot d’ordre était répandu dans le parti, et on donnait mystérieusement à entendre qu’il avait été écrit sous l’inspiration directe du roi. M. Pépin n’était, disait-on, en cette affaire, qu’un instrument docile, un éditeur responsable. Le livre partait de plus haut, et on pourrait le croire, car il a été répandu, dit-on, dans les départemens, à un très grand nombre d’exemplaires imprimés aux frais du pouvoir.

Or dans ce livre, attribué au roi par ses amis, la révolution de juillet se trouve outragée de la façon la plus sanglante. MM. Lafayette, Lafitte, Odilon-Barrot, sont représentés comme des personnages complètement nuls, qui délibéraient niaisement tandis que M. de Schonen, M. Guizot et M. Thiers renversaient hardiment le trône de Charles x, et sauvaient la France en lui donnant un roi. Casimir Périer n’est pas mieux traité que ses anciens amis de l’opposition. M. Périer, selon l’auteur de ce livre, ne fut que l’instrument de la volonté de Louis-Philippe, qui avait déjà créé son système, et qui l’a continué depuis avec ses différens ministres. La royauté se présente ainsi comme seule capable et agissante, se servant tour à tour de Casimir Périer, de M. Guizot, de M. Soult, de M. Thiers, comme d’autant de pantins politiques dont elle fait mouvoir les fils, et qu’elle met en avant tout comme elle fait de M. Pépin ; fatuité de mauvais goût, humiliation gratuite qu’une royauté spirituelle eût épargnée à ses meilleurs soutiens et aux plus chauds de ses partisans.

Voyez vous le beau rôle que des courtisans maladroits font jouer au roi des Français, en lui attribuant de honteux sarcasmes contre une révolution qui l’a porté sur le trône, en lui prêtant un odieux parjure et la plus noire ingratitude. En vérité M. Pépin a rendu là un grand service à la dynastie qu’il défend !

Il faut se hâter de le dire, ce livre n’est pas l’ouvrage du roi Louis-Philippe. Il a été enfanté par plusieurs auteurs moins illustres, quoique fort connus ; et avec un peu de sagacité, il est facile d’inscrire le nom de chacun d’eux au bas des lignes qu’il a écrites.

Le plan du livre a été d’abord conçu sous l’aile de M. Vatout. Depuis long-temps, M. Vatout s’est chargé bénévolement de la confection des pamphlets politiques. C’est à ses soins qu’on dut jadis cette curieuse pétition adressée à la chambre par de prétendus habitans du quartier Saint-Denis, qui demandaient, dans l’intérêt du commerce parisien, qu’on accordât au roi une liste civile considérable. On doit rendre justice à M. Vatout, personne en France ne comprend mieux que lui l’importance et la nécessité d’une grosse liste civile.