Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/604

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
598
REVUE DES DEUX MONDES.

lexandre vi. Les Français, sous les ordres du duc de Nemours, vice-roi de Naples, assiègent dans Barlette les deux Colonne, et leur allié ou plutôt leur chef Gonzalve, qui, plus tard, doit ajouter Naples à la couronne d’Espagne. De braves chevaliers sont en nombre dans les deux armées ; parmi ceux renfermés dans la place, Hector Fieramosca se distingue entre tous par son courage et sa beauté. Trois Français, faits prisonniers dans une sortie par les Espagnols, laissent tomber sur les Italiens des paroles de mépris qui sont vivement relevées, et un défi a lieu ; dix chevaliers de chaque nation doivent combattre en champ-clos contre dix autres pour décider qui l’emporte des deux peuples en valeur. L’intervalle entre le défi et le combat est rempli par divers incidens, tels que l’arrivée de la fille de Gonzalve, qui donne lieu à des fêtes brillantes, la passion de Fieramosca pour une femme qu’il a soustraite aux violences de César Borgia, en la cachant dans un couvent près de Barlette, l’apparition de César Borgia lui-même qui se rend incognito à Barlette, pour s’entendre avec Gonzalve sur les moyens de chasser les Français de l’Italie, et découvrir la retraite de Genèvre qu’il poursuit de sa vengeance, soins assez singuliers, soit dit en passant, pour un pareil homme. Au jour fixé, le combat a lieu dans les formes accoutumées, et les dix chevaliers français sont vaincus par les Italiens. Nous n’avons rien à dire à ce dénoûment ; il est historique. Fieramosca, au sortir de la lutte, vole au couvent où est renfermée Genèvre ; mais il n’arrive que pour assister à ses funérailles : l’infâme César Borgia lui a fait violence, et elle a succombé à son désespoir. Hector disparaît, et l’auteur nous donne à entendre qu’il a mis fin à ses jours en se précipitant lui et son cheval dans la mer.

Il y a un grand nombre d’acteurs dans ce roman, beaucoup de mouvement, de bruit, d’allées et venues ; mais c’est un mouvement pénible et convulsif que rien ne règle et ne modère. On est sans cesse et involontairement frappé des efforts qu’a faits M. d’Azeglio pour imiter Walter Scott. Mais à quelle infinie distance n’est-il pas resté de son modèle ! Il a pu lui dérober la forme extérieure des évènemens et du dialogue, décrire des fêtes, des costumes, des armes, faire jouter des chevaliers et le reste ; la vie intérieure, le souffle qui crée et qui anime sont presque toujours complètement absens. Une teinte mélancolique est répandue sur toute cette composition. Elle ne se fait jamais mieux sentir que lorsque l’auteur essaie de placer un masque comique sur le visage de ses acteurs ; le masque échappe aussitôt à sa main sérieuse, et se brise. Si l’art peut lui en faire un reproche, il est absous par tout ce que révèle de douleurs secrètes cette gaîté factice et impossible. Sur ces lèvres qui se refusent à sourire, dans ce cœur qui ne peut s’ouvrir à un bon mot, il y a sans doute quelque sou-