Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 3.djvu/612

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
606
REVUE DES DEUX MONDES.

Santa-Anna fut invité à être le parrain d’une chapelle qu’on venait d’élever à huit ou dix lieues de la Vera-Cruz. Là se trouvèrent aussi les hommes de parti les plus influens, entre autres le colonel Lendero, commandant l’un des meilleurs régimens de la république. Un banquet suivit la solennité, et ce fut au milieu de la gaîté apparente d’un festin, au bruit de mille toasts patriotiques, que l’on arrêta les mesures de la révolution.

Le 7 janvier, Santa-Anna quitte sa retraite, et accompagné d’un seul aide-de-camp, se présente aux portes de la Vera-Cruz ; là, il est accueilli par le colonel Lendero, qui commandait la garnison, et par les autres officiers : il va droit au palais du gouverneur, suspend par un acte de sa volonté toutes les autorités constituées de la ville, adresse à ses anciens compagnons d’armes (antiguos compañeros de armas) une proclamation dans laquelle il se dit appelé par eux-mêmes à délivrer le pays, et se déclare médiateur entre les troupes mécontentes et le gouvernement. Le bruit se répand à l’instant que Santa-Anna s’est enfin prononcé contre le système présent ; son nom vole de bouche en bouche, on le répète avec un murmure flatteur. Enfant de la ville, il y est adoré : on lit avec avidité sa proclamation aux soldats ; on écoute avec enthousiasme les paroles qu’il adresse aux habitans ; chacun fait des vœux pour lui. Les étrangers surtout, et ils sont nombreux à la Vera-Cruz, les étrangers voient en lui leur sauveur, et laissent percer la joie qu’ils éprouvent.

Dès qu’il eut pris les premières mesures de sûreté générale, Santa-Anna envoya à Mexico, au nom de l’héroïque garnison de la Vera-Cruz (heroïca guarnicion de la Vera-Cruz), un message qui imposait au gouvernement le renvoi des ministres Alaman et Faccio. En même temps, il s’occupa de mettre la ville en état de défense ; il fit réparer les murailles, dresser des batteries ; il marqua lui-même les postes et n’oublia rien pour se concilier l’amour du soldat. Les Arrochos, auxquels il fit un appel, accoururent en foule de tous les environs ; il les organisa, établit parmi eux un certain degré de discipline, et leur donna des chefs qui pussent les instruire aux manœuvres militaires : le commandement de cette nouvelle milice fut confié au capitaine Arago, frère de notre célèbre astronome. La réponse du gouvernement se fit attendre quelques jours,