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REVUE DES DEUX MONDES.

avez fait votre philosophie, car vous parlez avec une rare éloquence ; mais pensez-vous donc que la jeune fille que vous demandez se jette au premier venu comme une paille de blé noir qu’on foule aux pieds dans les chemins ?

LE DEMANDEUR.

Le jeune homme qui la recherche n’est pas de ceux que l’on refuse. Il meut la terre avec facilité, et retourne en un seul jour autant de sillons que trois journaliers. Quand la charrette verse, il sait la relever seul. À la lutte ses reins sont de fer et ses poignets d’acier, et dans sa main le penbas est plus fort que le sabre du soldat.

LE RÉPONDEUR.

Et qui pourrait égaler la jeune fille que vous demandez ? — L’avez-vous vue porter gracieusement sur sa tête le lait qu’elle-même a tiré ? Elle est souple et légère comme une branche de genêt fleuri. Jamais un de ses regards ne tomba dans le regard ardent d’un homme, et quand la danse est commencée, timide vierge, elle tient d’une main la main de sa mère, de l’autre celle de son amie. — Mais cette merveille n’est plus ici, depuis long-temps déjà elle a quitté la maison de son père.

LE DEMANDEUR.

Vous me trompez : l’if est fait pour les cimetières, les roses pour les jardins, et les jeunes filles pour égayer le foyer d’un époux. Ne jetez pas le désespoir dans mon âme ; conduisez ici par la main celle que je désire, et nous l’asseoirons à la table des noces, près de son fiancé, sous les doux regards de ses parens.

LE RÉPONDEUR.

Il faut céder, compagnon, car vous êtes trop pressant.

(Il rentre dans la maison et en amène une vieille femme.)

Est-ce là la rose que vous cherchez ?

LE DEMANDEUR.

Au front vénérable de cette femme, je juge qu’elle a bien rempli sa tâche dans ce monde, et qu’elle a donné le bonheur à ceux qui l’ont aimée ; mais elle a terminé ce que l’autre doit commencer ; ce n’est pas elle que je veux.

LE RÉPONDEUR, présentant une jeune veuve.

Voici une jeune fille, belle comme l’astre du jour. Ses deux joues sont comme deux roses, ses yeux sont de cristal, leur seul regard rend les cœurs malades à jamais ; n’est-ce point celle que vous demandez ?

LE DEMANDEUR.

Oui, sans doute ; ce visage doux, cette fraîche jeunesse annoncent une jeune vierge… — Mais ce doigt usé de frottement n’a-t-il pas souvent cherché