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REVUE. — CHRONIQUE.

augmente chaque jour, et la foule est à ses portes. Enfin, le théâtre Italien s’ouvrira le 1er septembre aux amateurs, avec Tamburini et Rubini. Bellini, l’auteur de la Straniera, et de Norma, est venu à Paris pour monter plusieurs ouvrages. Il raconte qu’après avoir assisté, il y a quelques jours, à une représentation de Gustave, il fut si frappé de l’ensemble des chœurs et de la grandeur de l’orchestre de l’Opéra, qu’il lui prit un tremblement nerveux qui dura toute la nuit. Bellini, qui n’a vu que les artistes de Naples, de Florence et de Milan, exprime partout son enthousiasme, et s’écrie que Rossini est bien fou de ne pas écrire toute l’année pour l’Opéra. Rossini, qui est riche, gros, paisible et blasé, dit que Bellini est bien fou d’écrire, et ne vient même pas à l’Opéra. Au reste, il est curieux de remarquer que l’ouverture de l’opéra Italien a lieu le jour de l’anniversaire séculaire de la première représentation du premier opéra de Rameau. Ce fut le 1er octobre 1733, et non le 1er septembre 1733, comme un journal l’a annoncé par erreur.

L’ÂME ET LA SOLITUDE, POÉSIES PAR M. ACHILLE DU CLÉSIEUX.[1]

Nous annoncions tout récemment les vers de M. Turquety, poète breton et catholique ; voici un autre poète de la même contrée et de la même foi qui prend son rang aujourd’hui. M. du Clésieux, pour ceux même qui ne connaîtraient de lui que son volume, est évidemment une de ces âmes rares, mais non pas introuvables en nos temps, un de ces jeunes hommes qui, de bonne heure, ont cherché le port dans l’antique croyance. C’est un spectacle assurément mémorable, au milieu de tant de scepticisme et de tant d’écarts dont on est entouré, que de voir combien l’élite de ces vierges et vertueux esprits ne diminue pas, comment elle se recrute et se perpétue, conservant, pour ainsi dire, dans toute sa pureté, le trésor moral. Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion. M. du Clésieux, nous dit-on, après de bonnes études, et quelques années passées à Paris dans sa première jeunesse, s’est bientôt retiré, et comme enfui dans sa Bretagne ; les plaisirs l’avaient effleuré un moment, et il s’y dérobait avec une sorte d’effroi. Dans un domaine rural, voisin de la mer, six pleines années se sont écoulées pour lui à méditer, à prier, à se guérir et à s’affermir. Et l’amour de l’humanité ! nous crieront nos maîtres intellectuels ; et le service que tout homme doit aux autres ! et la part

  1. Renduel, rue des Grands-Augustins.