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philosophique mémorable à laquelle se rattachait M. Thurot. Il n’en est même guère qu’un seul, si nous l’osons dire, qui nous semble pouvoir allier à cette pureté de tradition philosophique, à cette rectitude de principes judicieux et probes, les graces sévères d’un style si achevé.

— Il y a à peine un mois que l’ouvrage historique de M. Alexandre Dumas, Gaule et France[1], a été mis au jour, et déjà le premier tirage est épuisé. Ce rapide succès montre mieux que tout ce que nous pourrions dire, la sympathie du public pour le jeune et chaleureux écrivain. Il ne nous est pas permis, à nous que des rapports d’amitié lient si intimement à l’auteur, de louer son livre : aussi nous abstiendrons-nous de l’examiner en détail, pour ne pas être accusés de partialité.

Bruchstücke, etc. – Fragmens des écrits d’un prisonnier, par Frédéric Seybold. Stuttgard, 1833.

Nous lisons dans le Morgen-Blatt les lignes suivantes de M. Wolfgang-Menzel, à propos de ce nouvel ouvrage d’un écrivain allemand qui expie à cette heure dans les cachots de la diète le crime d’avoir loué la France avec trop d’effusion. Les malheurs de M. Seybold nous font un devoir de répéter ces lignes, et nous désirerions fournir par là, à un traducteur habile l’idée de populariser parmi nous le nom de notre courageux allié.

Notre célèbre publiciste, M. Seybold, si connu parmi nous pour avoir fondé la Gazette du Necker, a raconté ici une suite de scènes et de tableaux tirés des deux excellens romans le Camisard et le Patriote, que nous avons eu déjà plusieurs fois occasion de louer. Il y a joint des fragmens de ses lettres politiques sur le midi de l’Allemagne et une partie de ses souvenirs sur Paris. Ce dernier ouvrage a été, comme on sait, la cause des rigueurs exercées contre lui. M. Seybold est un des meilleurs publicistes de l’Allemagne ; il surpasse quelquefois tous les autres. Il unit la clarté de Rehberg avec la dialectique de Lindner et la verve piquante de Boerne. Mais Seybold a pour les précautions politiques le dédain qu’inspire la conscience d’une force supérieure. Il a pris plaisir à fouler d’un pied hardi l’œuf du pouvoir, qui ne veut être qu’effleuré dans une danse légère. Sans cela, il aurait échappé aux persécutions sous lesquelles il gémit maintenant, et peut-être le verrions-nous placé dans une position élevée, où ses talens lui vaudraient autant d’avantages qu’ils lui causent de malheurs ; mais alors notre littérature et notre histoire seraient frustrées de l’un de ces rares caractères qui osent faire brèche dans les préjugés de leur époque, et revendiquer leur individualité à leurs risques et périls. Dans le Patriote, son meilleur roman, Seybold a caractérisé avec une vérité et une verve incomparables la gaucherie, l’affectation, la duperie et la couardise avec lesquelles les Allemands, depuis la restauration, ont joué la comédie constitutionnelle. Cet ouvrage l’a placé au premier rang des écrivains satiriques de l’Allemagne. »

  1. Chez Guyot, place du Louvre, 18.