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REVUE. — CHRONIQUE.

finesse, la propriété d’expressions, le génie de sarcasme dont il avait déjà fait preuve, dans Pelham, dans Falkland et dans la charmante composition d’Eugène Aram. M. Bulwer pose d’abord en fait que la vanité nationale des Français consiste à appartenir à un si grand pays, tandis que la vanité d’un Anglais se délecte dans la pensée qu’un si grand pays lui appartient. Le fondement de toutes nos idées, comme de toutes nos lois, dit-il, est placé dans le sentiment de la propriété. C’est ma femme que vous ne devez pas insulter, c’est ma maison dans laquelle vous ne devez pas pénétrer, c’est mon pays dont vous ne devez pas dire de mal, et par une sorte d’appropriation qui s’élève au-dessus de la terre, c’est mon Dieu que vous ne devez pas blasphémer. L’Anglais est donc vain de son pays, ajoute M. Bulwer. Pourquoi ? pour ses édifices publics ? il n’y entre jamais. Pour ses lois ? il les décrie sans cesse. Pour ses hommes publics ? ce sont des charlatans. Pour ses écrivains ? il ne les connaît pas. Il est vain de son pays pour une excellente raison : c’est que ce pays le produit lui !

C’est là le principe sur lequel repose tout le livre de M. Bulwer. C’est par cette excessive concentration d’égoïsme qu’il explique tous les phénomènes de prospérité, de grandeur, de bizarrerie, tous les effets bons ou mauvais de l’esprit national, le défaut de sociabilité, en un mot tout le mouvement social de l’Angleterre. De longues vues, empreintes d’un sens exquis, ont présidé à toutes ces observations formulées en une série de portraits originaux, où derrière l’homme politique on retrouve toute la verve du romancier. M. Bulwer explique surtout parfaitement la nature de l’influence qu’exerce l’aristocratie anglaise, dont les membres, au lieu de se tenir à l’écart des autres classes, et de renfermer leur dignité au sein des distinctions héraldiques, se sont mêlés à la nation en s’appropriant tous les avantages d’une telle alliance. Les nobles anglais ne se font pas scrupule d’épouser des filles de banquiers, d’avocats et de négocians ; leurs assemblées d’agriculture et de comté les mettent en contact avec des personnes de tous les rangs ; leurs relations politiques les lient intimement avec les hommes de talent et de capacité de toute espèce. Ce mélange a eu pour effet de réduire de plus en plus la valeur de l’homme à celle que lui donnent ses richesses, et de rétablir un niveau d’égalité qui tend de plus en plus à effacer les autres distinctions.

Partant toujours de ce principe d’égoïsme et d’avidité qu’il a reconnu dans ses compatriotes, M. Bulwer nie la haine que les Anglais portent aux Français, et qui tend heureusement chaque jour à s’affaiblir. Cette haine consiste, selon l’auteur anglais, seulement dans l’éloignement que la pauvreté de la plupart des Français qui résident en Angleterre fait