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DE LA CHINE.

ce qu’elle en a gardé dans les siennes. La Chine est un flambeau lointain levé sur les ténèbres de la Haute-Asie ; et il ne faut pas croire que ce monde tartare soit entièrement étranger au nôtre. — On a long-temps trop séparé l’Orient de l’Occident. — Sur la foi de quelques chroniqueurs très-mauvais géographes, on faisait venir du Nord presque tous les barbares, comme s’il contenait des espaces assez vastes et assez féconds pour enfanter tant de peuples. On est assuré maintenant que leur mouvement n’a point eu lieu dans cette direction, mais s’est fait d’Orient en Occident comme le tour du soleil, que semble suivre autour du globe la rotation du genre humain. On commence à entrevoir au centre de l’Asie quelques-unes des secousses qui ont jeté sur l’Europe ce flot de populations conquérantes. Déjà de Guignes avait prouvé qu’on pouvait tirer parti des sources chinoises pour compléter certaines portions de l’histoire des invasions barbares. Il avait fait voir les Huns menaçant la Chine et roulant le long de la grande muraille avant de déborder sur l’empire romain. Enfin les auteurs chinois ont montré à M. Rémusat et à M. Klaproth, comme échelonnés sur divers points de l’Asie centrale et septentrionale, des Gètes, des Alains, des Ases, débris des nations gothiques, restés çà et là sur les plateaux de l’Asie comme ces flaques d’eau qui demeurent sur les sommets après qu’une inondation s’est retirée. Ainsi, une lumière partie de l’Orient a éclairé l’évènement capital de l’histoire moderne. Sans elle, nous le verrions mal parce que nous ne le verrions que d’un côté, nous ne verrions que la tête de la grande colonne des peuples, non son point de départ. Sans les précieux avertissemens de l’histoire orientale, nous aurions pu, dans notre Europe, remuer long-temps les cendres de l’incendie et ne pas connaître quel vent l’avait allumé et poussé sur nous.

La plupart de ces faits sont consignés dans un beau Mémoire de M. Rémusat sur l’extension de l’empire chinois du côté de l’Occident. Dans le même Mémoire, il a suivi avec une sagacité merveilleuse, depuis le premier siècle avant Jésus-Christ jusqu’à nos jours, les variations de limites qu’a subies cet empire. Il a montré qu’à plusieurs reprises ces limites s’étaient considérablement déplacées. Rien de plus flexible que les frontières de cette Chine, qu’on croit immobile : tantôt pressée, entamée au nord par les Ki-Tans,