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LA KOUTOUDJI.

de la continence, la première des pierres précieuses du diadème impérial, avait parmi ses affidés un médecin appelé Nuh-Effendi, aussi profondément versé dans l’art de guérir qu’il était fidèle et dévoué musulman.

Ce digne serviteur de Dieu avait à son tour, et pour ses péchés, un neveu nommé Méhémet, livré dès sa première jeunesse à la débauche et à l’ivrognerie. Ni les exhortations, ni les menaces, n’avaient pu corriger cette méchante nature, qui retombait toujours dans ses plis, comme un arbre mal venu que le bostandji cherche vainement à redresser.

Surpris trois fois en état d’ivresse par les gardes-de-nuit, il avait passé par les trois épreuves des coups de bâton sous la plante des pieds, et puis, suivant la loi, on lui avait donné pour l’avenir le droit d’impunité, avec le titre humiliant d’ivrogne impérial.

Inscrit sur les contrôles des Baltadjis du sérail, par la protection de son oncle, Méhémet n’avait pas une seule fois fait son service auprès des princes et des princesses, et il recevait cependant sa solde comme les autres gardes du palais, quoiqu’il vécût retiré dans une maison que son oncle possédait à Scutari.

Il passait ses jours et ses nuits, couché dans l’angle de son divan, tantôt fumant le narguilé avec des courtisanes, tantôt s’enivrant de sa détestable boisson et donnant à rire à ceux qui le voyaient dans cet état misérable, privé du sens et de la raison.

La mauvaise conduite et l’impiété de Baltadji-Méhémet étaient sans doute parvenues jusqu’aux oreilles de la Validé-Sultane, car cette auguste princesse fit prévenir Nuh-Effendi qu’elle allait le débarrasser de ce glouton, qui donnait un si pernicieux exemple aux fidèles musulmans ; elle lui intima l’ordre en même temps de se présenter le lendemain devant elle, afin d’apprendre ce qu’elle aurait décidé sur le sort de son neveu.

Nuh-Effendi reçut ce message avec une vive douleur. En dépit de lui-même et à force de voir ce malheureux jeune homme, il avait pris de l’attachement pour sa personne, malgré les chagrins que celui-ci n’avait cessé de lui causer. Au reçu de l’auguste missive de sa souveraine, il se renferma dans sa chambre et se prit à pleurer amèrement, devinant bien que c’en était fait de l’infortuné