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trouve dans cet ouvrage. L’auteur écrivit encore une série de contes en prose, qui lui assignent un rang distingué parmi les romanciers de nos jours, et il publia quelques poésies du genre pastoral, remarquables par leur ton de vérité et de simplicité. Il y a, dans ses compositions lyriques, une chaleur, une naïveté de sentiment et une grace qui les rendront toujours chères à ses compatriotes des montagnes, et qui leur obtiendront aussi d’autres suffrages, quand on en viendra à estimer de quelle valeur sont les véritables émotions du cœur.

Hogg[1] est, comme il se représente lui-même, un berger. La première fois que je le vis, c’était à Queenberry ; il avait son plaid roulé autour de lui, ses chiens à ses côtés, et son cœur était plein de rêves poétiques. Il demeure à Yarow, dans une ferme que lui a cédée le généreux duc de Buccleugh. Là, les pâturages lui donnent des agneaux, la rivière du poisson, les montagnes du gibier ; il mène une vie de calme et d’indépendance, à l’abri de toute inquiétude et de toute rumeur importune. Comme poète, il s’est élevé très-haut. Inférieur à Burns, pour l’énergie d’expressions et les mouvemens passionnés de l’ame, il ne le cède à personne pour le libre et naturel essor d’une imagination hardie et sans culture[2].


Allan Cunningham.
  1. La saveur rustique des poésies de Hogg, le talent descriptif dont il a fait preuve dans ses contes, la force et la facilité de sa verve méritent en effet qu’il ne soit pas confondu avec la foule des médiocrités dont le Parnasse anglais est encombré depuis la mort de lord Byron. Bien supérieur à Montgomery et à Grahame, moins monotone qu’eux, bon écrivain en prose, il ne lui manque, pour s’élever à une supériorité incontestée, que cette réflexion critique, cette philosophie, cette instruction première, que son éducation ne lui a pas données. Le plus grand malheur de Hogg est d’être venu après Burns et de l’avoir imité.
  2. On a vu se déployer, dans les heureuses et brillantes esquisses de M. Cunningham, une partie des richesses littéraires que l’Angleterre a vu éclore au commencement de ce siècle. Le cadre séparé dans lequel l’auteur a placé chacune de ses biographies, s’est opposé à ce qu’il établît dans son tableau un ensemble harmonieux. Il n’a pas pu montrer encore la prose influant sur la poésie, et la poésie sur la prose ; Burke, par son Traité du sublime, et Godwin par ses admirables créations, éveillant le génie farouche de Byron ; de leur côté, Coleridge et Wordsworth opposant leur foi pure et féconde, leurs vers inspirés et pieux, aux créations douloureuses de l’auteur de Caleb Williams ; Southey se réfugiant dans les contrées lointaines, et Walter Scott dans le passé. Mais sans doute l’auteur s’est réservé cette tâche pour la suite de son œuvre.