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AHASVÉRUS.

région désolée. Allons ! c’en est fait ! voilà encore une journée perdue. Cela est sûr. Je ne ferai plus rien de cette semaine.

iii.

À qui la faute ? Tout à moi ! La formule était claire. C’est par le ciel qu’il fallait commencer. Les lettres y sont plus larges et hautes pour épeler le nom de l’infini, et dans cette équation d’étoiles, le grand inconnu se dégage mieux. (Il lève la tête au ciel.) Horreur ! Néant ! Le ciel est vide. Un zéro infini plane sur ma tête. Les mondes sont passés. Quand mon génie allait les suivre, comme des oiseaux effarés devant un bon oiseleur, ils se précipitent sous leurs ailes. J’arrive un jour trop tard pour tout connaître.

iv.

Insensé ! j’ai eu tort tout-à-l’heure ; le premier chemin était le meilleur ; reprenons cette voie. Que les mondes s’éteignent, leur foyer est vraiment en moi-même. Dans mon ame est écrite la raison de l’univers, et dans le ciel de mon cœur les étoiles qui se lèvent ne se couchent pas. Second Promethée, si la vie succombe, en puisant là dans mon sein que trop d’amour nuit et jour attise, je la rallumerai. Voyons. La chose en vaut la peine. Sans trembler, cette fois, redescendons plus loin dans ma pensée, par la voie de l’analyse.

v.

M’y voici. J’en touche le fond. Déjà dans ma nuit, je sens là une plaie, et puis là une autre, et puis là une source de pleurs qui n’ont pas encore coulé ! Holà ! en cet endroit, voici encore, in fundo cogitationis, un souvenir qui saigne. Sur ma foi, je suis comme un vieil arsenal plein de haillons envenimés, d’épées ébréchées contre mon seuil, de cuirasses meurtries sur mes dalles, d’armes qui blessent quand on les touche, et de dards suspendus à ma muraille qui font mourir ceux qui les remuent. Sous ces débris qui sanglottent, sous ces regrets gémissans, quelque chose brille là. Oui. — Non. — Un Dieu peut-être ? — Point. C’est une larme encore qui tombe de ma voûte.

vi.

Au bruit que ma pensée fait en marchant sur ma ruine, mille images ressuscitent tout debout dans mon ame. Le front pâle, sous leur linceul, mille espérances à demi mortes, à demi vives, se re-