Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/380

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
376
REVUE DES DEUX MONDES.

la première question des documens les plus récens que les savans de l’Inde britannique nous ont transmis, principalement des Mémoires de M. Hogdson, et de trois Mémoires de M. Rémusat, qui ont paru dans le Journal des Savans de l’année 1831. Je répondrai à la seconde, surtout en rapprochant les diverses indications éparses dans les ouvrages de ce dernier, de manière à en former un précis des vicissitudes que le bouddhisme a traversées depuis trois mille ans. Comme toute autre religion, le bouddhisme a sa métaphysique et sa mythologie ; il a aussi une morale et une organisation qui lui sont propres. Étudions successivement ces divers points en commençant par la partie métaphysique de la doctrine.

Le panthéisme est l’idée fondamentale de la doctrine de Bouddha, mais c’est un panthéisme raffiné. Or, le panthéisme, quand on le raffine, mène loin : s’il n’y a qu’une substance absolue dont toutes les existences particulières sont des manifestations, on sera facilement conduit à nier que ces existences soient autre chose que de purs phénomènes, c’est-à-dire des apparences, et c’est ainsi qu’on arrive à la théorie de l’illusion, célèbre aux Indes sous le nom de maya. Dans ce point de vue, l’univers visible n’a nulle réalité, il n’est pas véritablement, il paraît être ; mais d’autre part l’essence absolue, qui produit les apparences en se manifestant par elles, on ne peut dire qu’elle soit, car, prise en elle-même, elle n’a ni forme ni attribut, rien de ce qui caractérise un être en particulier et fait qu’il est ceci plutôt que cela ; ainsi sous cette analyse subtile l’être échappe et se dissout. La source même de l’être échappe aussi ; ce qui reste n’est pas un pur néant, mais c’est quelque chose d’insaisissable à la pensée, d’ineffable à la langue, quelque chose de négatif, de vide, dont on peut dire qu’il est et n’est pas, ou plutôt dont on ne peut dire ni l’un ni l’autre. Toutes les fois qu’on partira du panthéisme, on arrivera, si l’on est logicien, à cet abîme. Alexandrie et l’Allemagne n’ont pu l’éviter, le bouddhisme y est tombé.

Mais la pensée orientale a bâti tout un système du mode sur cet abîme qu’elle a creusé.

Partant de l’idée d’émanation selon laquelle la substance absolue produit, en se répandant hors d’elle-même, cette grande illusion