Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/388

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
384
REVUE DES DEUX MONDES.

dhisme avait été son précurseur. Le bouddhisme lui prépare le terrain et le féconde, tandis que le brahmanisme ou l’islamisme le sèche et le brûle.

Par cela même que le bouddhisme rejetait les castes, il devait tendre à avoir un chef et une hiérarchie. — Aussi dès l’origine, voyons-nous à sa tête un patriarche qui est le représentant de Bouddha, et plus que son représentant. Dans une doctrine qui admet des existences successives, il était naturel d’en venir à supposer que chacun des chefs de la religion est une incarnation du même Bouddha. Ici ce n’est pas seulement la doctrine qui le transmet, c’est la divinité. On conçoit quelle autorité cette croyance peut donner au prêtre-souverain, en qui elle voit une personnification toujours renaissante de son dieu. — De là sans doute est née en partie la possibilité de discipliner régulièrement le clergé bouddhiste ; et cette discipline n’a pas été étrangère au succès de la doctrine. Les rangs de ce clergé sont d’ailleurs ouverts à tous ; le poste suprême est vacant à la mort de chaque titulaire, et tout enfant peut prétendre à être nommé dieu. Il y a là un principe de vie qui n’est pas dans l’organisation immobile et fermée des castes : c’est un rapport de l’église bouddhiste avec l’église chrétienne. Du reste elles se ressemblent à plusieurs égards, car toutes deux ont des moines, des religieuses et un pape.

Telle est cette religion, dont l’histoire, encore à faire, serait l’histoire de la civilisation dans une grande portion du monde. Je vais suivre, comme je l’ai dit, les principales phases et migrations du culte de Bouddha, à travers la nuit qui les couvre, et où brillent çà et là quelques traces lumineuses ; ce sont en général les points par où M. Rémusat a passé.

On est maintenant unanime à penser que la religion de Bouddha est née dans le centre de l’Inde, dans la province appelée autrefois Magadah, maintenant Béhar. Une hypothèse étrange avait prétendu faire de Bouddha un nègre, arguant d’une disposition bizarre de la chevelure que présentent fréquemment les statues de Bouddha, comme si la race nègre avait jamais donné quelque chose à une race supérieure ! Le détail de coiffure, pour lequel on renversait aussi lestement, et contre toute analogie, l’ordre des familles humaines, a été expliqué par un usage singulier de cer-