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la haine sourde que les brahmanes nourrissaient depuis long-temps contre les bouddhistes éclata par un horrible massacre. Il paraît que les inimitiés philosophiques furent de moitié dans cette persécution avec l’intolérance sacerdotale, car c’était un philosophe de la secte, il est vrai, la plus théologique, appelée Mimansa, ce Khourila-Batta qui souleva contre les sectateurs de Bouddha les chefs et les populations de l’Inde, et qui fit retentir ce terrible anathème. « Depuis la mer du midi jusqu’au pied de l’Himalaya couvert de neige, que celui qui épargnera les femmes ou les enfans des bouddhistes soit livré à la mort. »

Cette sanglante extermination, qui semblait devoir anéantir le bouddhisme, fut ce qui lui livra presque toute la haute Asie. Repoussé de l’Inde, il se répandit sur tous les pays environnans, à l’est sur la Chine, au nord sur le Thibet, et à l’ouest sur la Perse, enfin chez les diverses nations tartares. Suivons ses destinées dans ces différens pays.

D’abord, il faut dire que le fer et le feu, aux mains du fanatisme religieux et philosophique, n’avaient pas suffi à extirper radicalement le bouddhisme du sol de l’Inde. On y rencontre des vestiges de cette croyance, encore après le xie siècle et jusqu’au xvie. Maintenant elle n’y existe plus sous son nom ; mais on la retrouve dans quelques sectes qui semblent sorties de son sein, entre autres la secte des Djainas. La même cause qui avait fait émigrer en Chine le chef de la religion bouddhiste, porta au viie siècle les mêmes doctrines dans les contrées montagneuses du Thibet, qui reçurent aussi à cette époque leur écriture de l’Inde, contrée à laquelle ils doivent ce qu’ils ont de civilisation, bien loin de lui avoir rien donné, comme on l’avait cru. Cette importation du bouddhisme indien au Thibet ne fut point la source du lamisme qui s’y constitua plus tard. Le lamisme se rattache au bouddhisme chinois, qui avait à sa tête le successeur des patriarches émigrés de l’Inde. On voit bien au ixe siècle un religieux chinois qui vient tenter une réforme du bouddhisme plus grossier des Thibétains ; mais il est vaincu dans une discussion solennelle par un Indien défenseur de l’orthodoxie thibétaine, et retourne en Chine, laissant une de ses bottes pour tout souvenir et adieu à ses partisans, qui paraissent avoir été peu nombreux. Au Thibet, on continua de se passer de la