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LITTÉRATURE ANGLAISE.

ques pages. On dit qu’il publiera bientôt une notice sur mistriss Siddons. Il semble avoir rompu son ancienne et noble alliance avec la Muse. De temps à autre cependant, quelques vers lui échappent encore, dignes des beaux jours de sa fécondité. C’est à la Pologne qu’il a consacré ses derniers chants. Il vit dans l’espérance de voir encore ce noble peuple ressaisir son vieux diadème d’indépendance et refouler le czar dans ses déserts.

Campbell est de moyenne stature, d’un tempérament ardent, d’une ame bonne et généreuse. On l’accuse de distraction dans ses relations sociales : c’est le plus grand crime qui lui soit imputé. La jeunesse de Glascow a demandé qu’il fût nommé recteur de l’académie de cette ville. Quand il arriva sur la plate-forme du collège, elle était couverte d’une neige épaisse, et les jeunes gens, divisés en bataillons ennemis, s’attaquaient et se défendaient vivement. Le poète, inconnu de ces jeunes gens, se mêla dans leurs rangs, prit part à leurs combats ; puis, tout couvert de neige, il prononça son discours d’inauguration, qui étincelait de poésie et d’éloquence[1].


Thomas Moore. — L’Irlande[2], avec toute son éloquence, sa sen-

  1. Le sentiment de la perfection de la forme, et de l’harmonie à établir entre la pensée et l’expression, entre le rhythme et l’image, se trouve chez Campbell à un degré rare, et que les plus grands poètes modernes ont à peine atteint. La verve lui manque peut-être, et le défaut de fécondité est le plus grand reproche que l’on puisse adresser à sa Muse.

    Les sentimens doux et patriarcaux qui respirent dans Gertrude de Wyoming, la structure savante du rhythme, le soin merveilleux avec lequel le poète a poli et perfectionné son œuvre sans lui rien enlever de son énergie, conserveront long-temps et lègueront à l’avenir cette épopée de quelques strophes, espèce de Paul et Virginie en vers, l’un des plus précieux fragmens de la littérature anglaise. Vous diriez un beau vase grec, dont la matière est riche, et la sculpture délicate. Byron, qui se moquait de tout, n’a pas épargné Campbell, et a fait remarquer, en la parodiant, l’obscurité de quelques-uns des vers de Gertrude. Campbell affecte la concision, et tombe quelquefois dans le défaut de clarté. C’est un poète peu créateur : le mélange heureux de la sévérité hellénique et de la vigueur teutonique lui donne une sorte d’originalité piquante

    La place de Campbell est honorable et isolée. Il n’a imité personne, et sans se ranger sous la bannière de Byron, sans se tenir servilement enchaîné aux souvenirs de Pope, il a produit des œuvres en petit nombre, mais remarquables. Critique sévère, judicieux, concis dans sa prose comme dans sa poésie, il a long-temps dirigé le New Monthly Magazine, qui lui a dû une partie de son succès.

  2. Comment se ferait-on une idée nette de la situation intellectuelle de la