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vaises lois sur les grains. Sa Muse a des accens terribles et perçans comme le cri du malheureux qui meurt de faim sur la grande route.

À force d’accumuler les imprécations et les malédictions, vous diriez souvent qu’Elliot approche du sublime. Il y a de la vérité dans son invective et quelquefois de l’émotion au milieu de ses anathèmes. Mais que le prix des grains vienne à tomber, la même baisse affectera la production de cette Muse vouée à des inspirations passagères, à des colères de parti. Ce malheur est commun à tous les talens qui se consacrent à des sujets de circonstance. Cependant Ébénézer a des chances d’avenir poétique, une haute énergie de diction, un amer sarcasme, un talent rare pour reproduire l’intérieur de la vie domestique, quelque chose de la manière sombre et vraie de Crabbe. C’est à l’homme de la campagne qu’il s’adresse, et comme le prêtre que Robert Burns attaque dans ses satires, il ne lui apporte pas le salut et la paix, mais la damnation, mais le désespoir.


Georges Darley — est bon mathématicien et excellent poète. Sa Reine de Mai (May Queen) offre des passages gracieux et vigoureux. Ses Fêtes Olympiennes (Olympian Revels) sont animées d’une vie dramatique, d’une inspiration franche, qui deviennent plus rares de jour en jour.


Beaucoup d’autres poètes, chantres harmonieux ou élégans, ont trouvé un public attentif, et mériteraient une place honorable même dans ce rapide essai. Tels sont Croly, Clare, Moïr[1], Malcolm et plusieurs autres. Mais à mesure que je suis descendu des sommités de la haute poésie, je ne sais quelle lassitude s’est emparée de moi, je ne sais quelle fatigue d’esprit m’a saisi ; je me suis aperçu de la distance qui me séparait des cimes

    de vers, satires et dithyrambes, qui ont produit le plus grand effet, Ébénézer Elliot, forgeron du comté de Sheffield, s’est fait l’organe et l’expression de la colère vengeresse qui anime les masses populaires, et surtout les ouvriers des grandes villes manufacturières. C’est un homme éloquent, dont la pensée est toute radicale, et qui nous semble ne se rapprocher en rien de la satire froide et dédaigneuse du poète Crabbe. Ses poésies sont des discours de tribuns du peuple.

  1. Moïr, qui signe Δ ou delta, insère dans quelques ouvrages périodiques, et spécialement dans le Blackwood, des poésies élégiaques d’une élégance et d’une sensibilité vraiment remarquables. Ses stances à un enfant endormi sont dignes de Burns.