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cœur ; la Muse ne prend plus son libre essor à travers les forêts et les vallées, comme le daim sauvage bondit à travers les champs. Elle se fait misanthrope, elle est triste ; ses accens sont pleins de dédain et d’amertume : elle déplore la destinée, des poètes ; elle ressemble à la femme hébraïque qui ne veut pas être consolée.

D’ailleurs la vogue des poètes a considérablement baissé depuis quelque temps ; beaucoup de circonstances ont contribué à cette décadence. Parmi les principales causes, il faut compter spécialement l’amertume de la critique[1], le déluge de vers qui nous a inondés depuis quelques années, et surtout le penchant industriel, positif, mécanique, mathématique de notre siècle. Cette aversion pour la poésie n’aura qu’un temps ; elle retrouvera son empire ; l’hiver est venu pour elle : la saison des Muses et des fleurs renaîtra.


Allan Cunningham.


(La place nous manque aujourd’hui pour faire suivre immédiatement l’histoire de la poésie anglaise de celle du roman. Cette dernière sera toute entière dans notre prochaine livraison.)

  1. La sévérité de la critique n’a paralysé ni Byron, ni Southey, ni Moore, ni Coleridge. C’est le grand nombre d’idoles, de prétendus hommes de génie, de petites publicités de coterie, de nouveaux lords Byron, créés par l’indulgence des critiques et le caprice du public, qui a fini par le rassasier et le dégoûter. Cependant, quand il s’est présenté des poètes, comme Tennyson et Elliot, qui ont exprimé un sentiment populaire, une idée neuve, au lieu de couvrir sous le rhythme sonore le vide de leur imagination, ils ont trouvé un public attentif.