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cupées par les grands, par la cour et le corps diplomatique, et étincelaient de femmes parées de diamans, de croix, de décorations et de broderies.

Au moment où leurs majestés parurent sous leur dais, du haut des galeries de la tertulia on lâcha des quantités de sonnets, de petits oiseaux et de cantates. Les oiseaux s’en allèrent se percher, comme ils purent, sur le lustre et sur les corniches de la salle. Les cantates et les sonnets, ayant moins de légèreté, tombèrent en pluie sur les lunettes du parterre (las lunetas), où chacun en saisit ce qui fut à sa portée. J’en attrapai pour ma part une bonne poignée.

La poésie ne devrait jamais se traduire que par de la poésie ; aussi voudrais-je être poète, afin de pouvoir vous donner une juste idée de ces ingénieuses compositions lyriques que je pris au vol ; mais force sera de vous contenter de mon humble et fidèle prose.

Un de ces sonnets, adressé à la reine, lui disait :

« Vous êtes la reine des belles, et vous êtes la belle des reines. »

Un autre, parlant au roi lui-même :

« Ton règne, ô Ferdinand, a été bien fécond en époques glorieuses. Le dieu de la guerre t’a couronné de son laurier, et le dieu de l’amour t’a couronné de ses myrtes et de ses roses. »

J’avais eu encore en partage une cantate où je lus ceci :

« Regardons Ferdinand, regardons Christine. Contemplons en eux deux soleils lumineux dont les beaux rayons animent la nation. »

« Isabelle, dans son enfance, est gracieuse comme l’aurore naissante qui dore les champs espagnols, — aurore d’autres soleils, — étant elle-même fille du soleil. »

Ce ne sont là que de légers échantillons de la louange fine et délicate qui distinguait la poésie de la Jura.

Le rideau s’étant levé, je mis mes sonnets dans ma poche, et devins tout yeux et tout oreilles.

Ce fut d’abord un drame allégorique de circonstance, à grand spectacle, intitulé : Le Triomphe de l’Innocence. Le théâtre représentait un bosquet, au fond duquel il y avait deux jets d’eau.