Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 4.djvu/497

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
493
LITTÉRATURE ANGLAISE.

tilles de la vie du grand monde et les mille peccadilles dont le bon goût fait des crimes au premier chef, n’ont pas trouvé de censeur plus sévère. Elle aimerait mieux voir son héroïne se compromettre un peu que de flétrir la pureté de ses gants blancs. Anathème sur tout ce qui est rustique et impoli. Quiconque s’éloigne du langage convenu dans un certain monde doit perdre caste sans espoir de la retrouver jamais. Prononcer un mot équivoque est pour une dame un péché mortel ; une situation équivoque la compromettrait moins. Catherine de Russie excellait dans cet art ; sa cour, la plus licencieuse de l’Europe, était fort décente dans ses discours. Mme d’Arblay a reproduit ce qu’elle a vu, mille affectations élégantes qui lui ont un peu caché l’aspect des émotions naturelles. La mode passe, l’homme reste ; ses passions et ses sentimens sont immortels, et c’est à eux qu’il faut s’adresser.


Élisabeth Hamilton[1] a, comme Mme d’Arblay, reproduit les besoins passagers, les mœurs fugitives, les nuances variables de la vie sociale ; mais ses tableaux sont puisés dans les classes inférieures de la société, sous le toit de chaume et dans la pauvre hutte. Parmi beaucoup de peintures aujourd’hui surannées, on trouve des traits naturels. Elle s’est constituée la conseillère du paysan écossais. Offensée du peu de soin des femmes de notre pays qui, selon elle, n’étaient pas assez bonnes ménagères, elle se mit à leur donner des leçons de propreté ; nettoyant leur cuisine, balayant leurs escaliers, frottant leur vaisselle, récurant leur argenterie avec un zèle que l’on n’oubliera pas ; tout en se livrant à ses graves et nombreuses occupations, elle parlait, parlait avec une volubilité sermonaire qui fit beaucoup d’impression.

Les Villageois de Glenburnie ont de la vérité et de la force ; mais elle a réuni sur la tête de ces pauvres paysans les défauts, les ridicules et les vices d’une douzaine de comtés. Ce n’est pas là l’Écosse : peindre l’un des faubourgs les plus misérables de Londres, ce n’est pas faire le tableau de Londres. D’ailleurs, elle n’a pas observé avec assez de soin la condition sociale des humbles filles des villageois écossais. En ce temps-là,

  1. Romancière aujourd’hui oubliée. M. Cunningham n’a soumis ses biographies à aucun ordre, et s’est contenté d’y jeter de l’esprit, de la couleur et de la grace. Miss Burney, contemporaine de Johnson, appartient à une école antérieure à l’influence de mistriss Radcliffe. Madame Hamilton, romancière et moraliste, se classe avec miss Edgeworth et miss Hannah More ; elle est moins habile et moins observatrice que la première, mais beaucoup plus amusante que la seconde. M. Jouy, de l’Académie française, a épousé une des filles d’Élisabeth Hamilton.