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c’est-à-dire des trois ou quatre hommes éminens, à qui s’adressait alors ce nom. La bourse de M. Lachevardière, l’idée de M. Leroux, l’impulsion de M. Dubois, voilà les données primitives ; des jeunes gens pauvres, des talens encore obscurs, des proscrits de l’Université, ce furent les vrais fondateurs ; la génération des salons qui s’y joignit ensuite n’étouffa jamais l’autre.

Le public, qui aime à faire le moins de frais possible en renommée, et qui est dur à accepter des noms nouveaux, voyant le Globe surgir, tenta d’en expliquer le succès, et presque le talent, par l’influence invisible et suprême de quelques personnages souvent cités. Ces personnages étaient sans doute bienveillans au Globe, mais cette bienveillance, tempérée de blâme fréquent ou même d’épigrammes légères, ne justifiait pas l’honneur qu’on leur en faisait. Financièrement, lorsqu’en 1828, le Globe devenant tout-à-fait politique, M. Lachevardière retira ses capitaux, M. Guizot, seul parmi les doctrinaires d’alors, prit une action. M. de Broglie aida au cautionnement ; mais c’était un simple placement de fonds sans enjeu. Du reste, occupés de leurs propres travaux, ces messieurs n’ont jamais contribué de leur plume à l’illustration du journal ; une seule fois, s’il m’en souvient, M. Guizot écrivit une colonne officieuse sur un tableau de M. Gérard ; peut-être a-t-il récidivé pour quelque autre cas analogue, mais c’est tout. M. de Barante n’a fait qu’un seul article : M. de Broglie n’y a jamais écrit. Les prétendus patrons hantaient si peu ce lieu-là, qu’il a été possible à l’un des rédacteurs assidus de n’avoir pas, une seule fois durant les six ans, l’honneur d’y rencontrer leur visage. La verdeur de certains articles allait, de temps à autre, éveiller leur sévérité et raviver les nuances. M. Royer-Collard réprouva hautement l’article pour lequel M. Dubois fut mis en cause et condamné, quelques mois avant juillet 1830. M. Cousin lui-même, bien que plus rapproché du journal par son âge et par ses amis, s’en séparait crument dans la conversation ; il ne répondait pas de ses disciples, il censurait leur marche, et savait marquer plus d’un défaut avec quelque trait de cette verve incomparable, qu’on lui pardonne toujours, et que le Globe ne lui paya jamais qu’en respects.

Si l’on examine enfin l’allure et le langage du Globe depuis qu’il