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Leurs récits contenaient-ils des choses évidemment impossibles, c’est-à-dire qui impliquaient contradiction avec des faits connus ? Non ; mais ils parlaient, soit de magnificences auxquelles nos contrées occidentales n’avaient rien à comparer, soit des productions gigantesques d’une nature plus puissante que la nôtre, et cela était humiliant pour leurs auditeurs.

Une autre cause encore qu’il est nécessaire de signaler, contribua à mettre les voyageurs en mauvais renom, ce fut l’avidité et le peu de conscience des libraires-éditeurs.

Le goût des expéditions lointaines qui s’était réveillé en Europe vers la fin du xive siècle, amena dans le suivant une série non interrompue de découvertes importantes. Dès le commencement de ce siècle, quelques aventuriers normands étaient partis pour la conquête des Canaries, et en 1403, Bontier ajoutait les premiers renseignemens exacts à ceux que Pline nous avait laissés sur ces îles.

Bientôt, sous les auspices du prince Henri, des navigateurs portugais explorèrent les côtes de l’Afrique et les îles voisines, retrouvèrent plusieurs pays dont l’existence ne nous était depuis long-temps connue que par les écrits des anciens, et en découvrirent d’autres sur lesquels les Grecs et les Romains n’avaient jamais eu que de très confuses notions. Or, pendant que les Portugais s’établissaient ainsi dans l’Orient, les Espagnols, libres enfin de leur guerre contre les Maures, venaient de se lancer également dans la carrière des découvertes, et en avaient fait du côté de l’Occident de plus importantes encore, de sorte que, dès l’an 1493, le pape avait été appelé à partager entre les deux monarques les mondes nouveaux, ou nouvellement retrouvés.

Il n’y avait pas trente ans que la ligne de démarcation était tracée lorsque les Espagnols, poursuivant toujours leur route vers le couchant, rencontrèrent, aux îles des Épiceries, les Portugais, qui y étaient venus par le Levant.

Il arriva, par une singulière coïncidence, que justement à l’époque où la curiosité était le plus vivement excitée par les brillans résultats de ces premières expéditions, on avait, pour la satisfaire, un moyen merveilleux et complètement inconnu aux âges précédens.