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abondantes ; la quantité obtenue chaque jour est de plus de vingt botas[1].

« Il y a dans le voisinage de l’arbre un gardien préposé par le conseil, logé et salarié, lequel délivre à chaque maître de maison sept bouteilles d’eau par jour, sans compter celle qui se donne aux gentilshommes et personnages d’importance ; ce qui est encore considérable. Les chefs de maison (vecinos) sont au nombre de deux cent trente environ, et la population totale est de plus de mille ames, qui toutes n’ont guère pour boire que l’eau fournie par cet arbre. »

L’arbre saint, qui, selon le rapport de Galindo était encore, à la fin du XVIe siècle, entier et sain, fut renversé peu d’années après par un ouragan. Plusieurs écrivains ont parlé de cet évènement qui fut pour les habitans de l’île une véritable calamité ; mais ils ne s’accordent pas sur la date : Nuñez de la Peña le place en 1625, et le P. Nieremberg quatre ans plus tard ; mais Garcia del Castillo cite un arrêté du corps municipal de l’île, qui, au mois de juin 1612, ordonne de déblayer les réservoirs encombrés de terre et de branchages par suite de la chute de l’arbre saint.

Le mot tilo en espagnol signifie tilleul, et c’est probablement dans ce sens que le prend Galindo, qui ne veut pas que le garoé soit un tilo. Mais nous savons qu’il existe dans plusieurs des Canaries un laurier appelé par les botanistes til, till ou tillas, noms qui se rapprochent trop de celui de tilo, pour ne pas croire qu’ils désignent un même végétal. Cet arbre est le laurus fœtens. À la vérité, Galindo nous dit qu’il était le seul de son espèce, ou que du moins on ne trouvait dans tout le voisinage aucun arbre qui lui ressemblât ; mais il se pourrait bien que ce vieux laurier, en raison de sa position isolée, plus encore que de son utilité, fût le seul dans l’île qui eût été épargné au milieu de la dévastation générale des forêts ; dévastation que les Espagnols ont à se reprocher pour les Canaries aussi bien que pour leurs possessions d’Amérique.

  1. Le mot bota désigne tantôt une bouteille en cuir cousu, dans laquelle les voyageurs ont coutume de porter leur vin, et qui en contient de deux à trois litres ; tantôt un baril ou une futaille, comme celles où l’on garde l’eau à bord des navires.